D'emblée le ton est donné avec un morceau inaugural en forme d'hommage à la chanteuse disparue des Slints, le groupe des « grandes sœurs » avec lequel elle a débuté. Mais si Twice, le deuxième album de la jeune Londonienne, est placé sous le signe du deuil, s'il s'en dégage un vague à l'âme à la fois suave et entêtant, les larmes sont comme voilées par la voix sensuelle, irradiante de la miss de Brixton, et par les chaudes vibrations d'un reggae solaire, d'une feel good music irrésistible. Prince Fatty est toujours aux manettes, maniant savamment basses rondes, effets dub et rocksteady de bon aloi ; DJ Horseman a quant à lui laissé sa place au Macedonian Radio Symphonic Orchestra : les arrangements de cordes, qui font ici office de tapis volant, tendent Twice vers des sonorités aériennes et pop, parfaites pour soulager le chagrin et illuminer les orchestrations. Entre Kingston et Londres, Hollie Cook n'a pas eu à choisir : elle a tout pris, et avec elle le reggae n'a jamais semblé aussi actuel, joueur et enjôleur. Deux fois plus, même.

FILM : The Harder They Come 

1972- Jamaïque

Interprété par Jimmy Cliff et inspiré de sa vie, un film culte qui a contribué à la popularité du reggae, à travers la ballade d'Ivan Martin, jeune paysan jamaïcain qui part à Kingston, la capitale, pour réaliser son rêve : chanter. C’est l'histoire de la naissance du reggae à la Jamaïque mais aussi le prétexte à une peinture sur le vif de la réalité jamaïcaine, qui démythifie brutalement l'image touristique. La vie sordide et colorée des bas quartiers, les inégalités sociales et le chômage, le rôle répressif de la religion, l'exploitation du show business local et la corruption de la police, tout y passe, sur fond de reggae, bien sûr. Perry Henzel nous fait découvrir l’essence du reggae dans son contexte social et politique. The harder they come capte, avec un ton juste et poétique, l'âpre réalité de la vie à Kingston au début des années 1970. Kingston, où seules la marijuana et la musique font oublier la misère, ressemble ici plus à une jungle qu'à une station balnéaire. Ce film sorti en 1972 peut être considéré comme le seul grand classique jamaïcain.