Le divorce entre les citoyens et la classe politique est consommé
Après le résultat - alarmant - du Front National aux élections européennes, le constat, au niveau national, est là, les chiffres parlent d'eux mêmes : le parti d'extrême droite est le premier parti de France. Au niveau local, il réalise presque 20%.
La gueule de bois est violente. Depuis dimanche 23 heures, et la publication des résultats définitifs du scrutin européen, le Front National est premier parti de France, avec un quart des suffrages exprimés.
Certes, l'abstention est à un niveau record également, mais jamais le parti d'extrême-droite n'était arrivé en tête d'une élection nationale.
Arnauld Leclerc : "Ce score de 25% bouscule totalement la scène politique et son fonctionnement."
Pour tenter de comprendre ce score, mais aussi ses conséquences, Cité à la Une invitait au lendemain du scrutin Arnauld Leclerc, spécialiste des questions européennes à l'Université de Nantes, et Jean-Philippe Magnen, vice-président EELV du Conseil régional des Pays de la Loire et 3ème sur la liste que présentait le parti écolo aux élections européennes. Si, pour le maître de conférences en sciences politiques, au niveau européen, le Front National a peu de chances de peser vraiment, "au niveau national, on a une donnée politique nouvelle." Jamais le parti lepeniste n'était arrivé en tête d'une élection nationale.
Pour autant, les conséquences sont connues depuis bien longtemps, puisqu'il souligne également que "la question du tripartisme n'est pas nouvelle, on l'a depuis quelques années déjà". Notamment depuis le score de Le Pen, père aux présidentielles de 2002.
Aujourd'hui, le constat est autre. Pour nos deux invités, "l'ensemble des forces politiques traditionnelles ont pris une claque extrêmement sévère".
Et la cause est profonde, selon Jean-Philippe Magnen. "C'est le système qui a perduré depuis des décennies qui a créé ces inégalités sociales très fortes. Les gens ne croient plus en la classe politique pour changer leur vie au quotidien.".
Cependant, pour Arnauld Leclerc, il ne faut pas tirer de conclusions trop hâtives. Si cela va demander une totale refonte de la droite traditionnelle, et que ce score n'est pas à prendre à la légère, l'analyste insiste sur le fait que "c'est un scrutin défouloir. On a assisté ici à un vote de crise net et profond. Le divorce entre les citoyens et la classe politique est consommé".
Jean-Philippe Magnen : "La vague à laquelle on assiste n'est ni une vague brune, ni une vague blanche, c'est une vague de désespérance"
La question est maintenant de savoir comment enrayer ce phénomène, que faire dans un avenir plus ou moins proche pour que l'extrême-droite n'agrandisse pas son influence.
Pour Jean-Philippe Magnen d'EELV, "il faut une réforme en profondeur de ce qu'est un parti politique et comment il peut agir sur la société".
Il continue en expliquant que même si au niveau des grandes institutions ce clivage restera pour un certain moment inchangé, "c'est l'ensemble de la pratique politique qui se doit d'être changée. Quel qu'il soit, il n'est pas normal qu'un parti qui fait 25% à un scrutin national n'ait que deux députés de représentés".
Changement des modes de scrutin, vote obligatoire, les solutions, bonnes comme mauvaises, sont nombreuses, diverses et variées.
Quoi qu'il en soit, après cette gueule de bois post-électorale, le moment n'est plus à la gué-guerre politicienne du "c'est la faute du parti au pouvoir". Il faut trouver une solution, et vite.
(Ré)Ecoutez ci-dessus le débat de Cité à la Une, en compagnie de Jean-Philippe Magnen et Arnauld Leclerc.
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Article réalisé par Simon Ains
Publication : Mardi 27 Mai 2014
Illustration : Le FN au Parlement Européen
Crédit photo : Wikipédia