SEITA et les autres - L'effort national
Chronique d'un licenciement boursier.
Le ministre du Travail, le 1er mai, déclare sur le plateau du petit journal que l'industrie du tabac n'a plus d'avenir en France, banale me direz-vous si ce n'est que cette déclaration est une réponse à une question d'un salarié de Carquefou qui se demande ce qu'il va devenir. Cette déclaration de Mr Rebsamen, ministre du travail, concerne l'usine de la Seita de Carquefou mais aussi celles de Bergerac, des suppressions de postes à Fleury-les-Aubrais (Loiret) et au siège à Paris .
La problématique attendait plutôt une solution sur ce type de licenciements et peut être des solutions de reclassement. Cette « restructuration » ampute l’État Français de 366 emplois direct, Michel Laboureur Délégué CGT Tabacol parle de 400 emplois supplémentaires indirects, soit la sous traitance liée à cette activité. Le cas du site de Carquefou est bien un licenciement boursier, malgré les profits en hausse Imperial Tobacco se restructure pour anticiper une baisse éventuelle de l'activité. En juillet, Imperial Tobacco annonce l'IPO d'une de ses filiales appelé Logica, société de transport liée à la holding, rappelons le, une IPO est une entrée en Bourse. Dans ce même temps les numéros 2 et 3 des cigarettiers américains annoncent une fusion et dans le cadre de la loi sur la concurrence ils doivent céder des actifs. IMPERIAL Tobacco les rachète mi-juillet de cette année.
Les dividendes ont augmentés de 10 points en 2013, on attend 2014 !
À ce jour, en 2014, l'action Imperial Tobacco affiche une augmentation en valeur de plus de 10 points largement aidée par l'annonce de la restructuration et du plan de licenciement, ces plans de licenciements font office de levier sur les cours, les marchés se réjouissent, les investissements donneront des fruits bien juteux. Même si les dividendes versés ont progressés de 10 point sur l'exercice comptable 2013 d'Imperial Tobacco, sur zonebourse.com on annonce : Cette restructuration vise à sauvegarder la compétitivité du fabricant de cigarettes, qui se dit confronté à "un important ralentissement de la demande de tabac, à l'accroissement de la pression réglementaire et à l'explosion de la contrebande et de la contrefaçon". C'est là l'argument principal du plan de licenciement.
Sous traitance des relations presse
J'ai cherché à joindre la direction et son service presse à Paris, l'assistante de Mme Audibert a pris mon message mais c'est une voix masculine qui me rappelle. Alors surpris on me répond que c'est Pyksis une agence de communication qui est en charge des relations avec la presse. Seita sous-traite ses excuses et dépense beaucoup d'argent pour faire face à l'indignation généralisée et parfois feinte des politiques. Politiques qui n'assument pas, ils sont « désarmés », « impuissants », alors est-ce le concierge de l'assemblée nationale qui a voté tout seul la loi ANI le 09 avril 2013 ?
Pyksis, spécialiste entre autres du communiqué de presse incomplet
Voici ce qu'on peut lire sur la page d'accueil de cette agence :
« Au sein du groupe Oneida, Pyksis Communication guide les équipes de direction et épaule les organisations à chaque étape-clé de leur développement grâce à des stratégies de communication maîtrisées et sur-mesure. Notre coeur de métier recouvre la communication sensible et la gestion de crise, la communication institutionnelle, les affaires publiques et la responsabilité sociétale et environnementale. Responsabilité, qualité et réactivité sont les valeurs qui structurent chacune de nos interventions. Nos équipes sont constituées de consultants seniors, experts reconnus de leurs domaines d'activités.
Notre engagement : offrir à chacun de nos clients un conseil personnalisé, à forte valeur ajoutée et accessible 24/7. A l'échelle internationale, Pyksis Communication a noué des partenariats privilégiés auprès de sociétés de conseil en communication et affaires publiques tout en bénéficiant de l'appui du réseau du Groupe Oneida. Nous proposons ainsi à nos clients une offre globale, thématique et géographique, adaptée à leurs enjeux ».
Ils ont œuvré pour SONY, TOTAL, IMPERIAL TOBACCO, DANONE ou encore FERRERO et bien d'autres.
Les salariés ont pris connaissance de la fermeture de l'usine mi-avril, en prenant leur poste, bien que des bruits circulaient provoqué par des fuites et la venue de Mr Pelletier, responsables des ressources humaines à la réputation sulfureuse. Il est d'ailleurs surnommé le fossoyeur.
La direction aurait alors tout prévu, la demande de surproduction avancée de deux mois permettait de stocker pour prévenir la grève, pour que celle ci passe inaperçu du côté approvisionnement. Surproduction qui intervient plus tard dans l'année habituellement mais curieusement avancé à janvier et février.
La contestation dans l'engrenage médiatique ou quand le sensationnel envahit l'information
La grève démarre, elle est peu relayée mais les salariés décident la séquestration ou la prise d'otage, et allez, on ose du grand banditisme et du terrorisme social ? C'est la réaction de l'ouvriers français semble-t-il dans ce genre de cas, France 24 le souligne dans un article de Janvier 2014, Le Figaro titre "Méthode musclée mais efficace", France 3 "Pourquoi le plan social ne passe pas ?" ou encore Ouest France qui se demande : "Mais pourquoi une telle tension ?"
L'acte en lui même est décortiqué dans tous les sens quand la cause est maintenue silencieuse. On y est, des images chocs de l’émotion et du sentiment pour tous ceux qui soutiennent les patrons séquestrés ou les ouvriers qui ont perdu leur travail.
Le contexte et la situation vécue semble différente aux yeux des salariés. Ils dénoncent un reportage d'ITélé, en occultant les principales revendications. Les salariés voulaient des réponses à des questions formulées plusieurs fois. En tant qu'otages, les cadres ont été nourris et libre de se déplacer.
D'une certaine manière une prise d'otage à Carquefou ça permet de faire de l’investigation choc pas loin d'ici... Ces salariés ont perdu quelque chose, essaient de comprendre et de savoir, Pour beaucoup ils viennent d'autres sites de la SEITA fermés en France.
Suite à « cette prise d'otage », un accord de fin de conflit a finalement été signé, la société ayant proposé de payer les heures de grève en échange d'un retour au travail immédiat avec une clause minimum de production, une manière de payer le plan social comme le pense certains salariés.
Une lutte perturbée par des désaccords entre syndicats
Les élections de représentations syndicales du mois de juin ont été annulées et reportées à la mi-septembre, pour invalidité dans les procédures de vote par correspondance, selon Mr Laboureur Délégué CGT SEITA. Il semblerait que Imperial Tobacco bénéficie d'une certaine tension entre chapelles syndicales. L'été arrive et certains salariés forme un collectif qu'ils ont nommés le CIS (Comité des Indignés de la SEITA) est formé avant l'été, pour tenter de réunir l'ensemble des salariés, former un bloc actif et organiser quelques actions en supplément de celles proposées par les syndicats.
Est arrivé septembre et de nouvelles élections pour les syndicats qui confirme ceux déjà en place, Sud rate sa représentativité à 0,2%, c'est bien entre ces deux syndicats que les désaccords sont les plus profonds.
Le « congé spécial » continue de diviser le mouvement
Début octobre un congé spécial apparaît, ce n'est pas un chômage technique, mais un salaire versé entièrement sans obligation de se rendre à l'usine, ce congé a amputé encore une fois la contestation de nombreux salariés mais certains décident de passer à l'étape supérieure. Le début de la grève de la faim.
Mr Rebsamen déclare alors que ce n'est pas la solution. Tandis que le fond du problème vient de là, les solutions, les salariés sont dans le flou et entament le dernier recours pour se faire entendre. Pendant ce temps là, la direction du fabricant a annoncé la création de 130 emplois en Pologne où sera délocalisée une partie de la production.
Date limite de consommation
Le 15 octobre était la date limite pour les représentants syndicaux pour la signature. Signature apposée par la CGR TABACOL, Eric Comparot et Michet Laboureur qui nous précise qu'il ne faut pas mettre un nom sur une signature mais sur un ensemble de salariés. Je me dois de préciser que la signature concerne le reclassement et non pas la restructuration, le volet économique du plan social. Le principal étant de partir avec le plus possible, aucune solution de reclassement concrètes n'a été présenté jusqu'alors.
Cette signature a sonné le glas d'une contestation difficile à mettre en œuvre, et continue de diviser le mouvement.
Le PSE, la loi ANI et le grand détournement des fonds publics
Ce plan de sauvegarde de l'entreprise, pardon de l'emploi, est définitivement mal nommé, il ne sauvegarde pas les emplois, il permet au groupe de licencier.Imperial Tobacco a déclarée : "S'il n'y a pas d'accord, l'entreprise déposera quand même une version unilatérale du plan social avec indemnités réduites". Alors selon la CGT il valait mieux signer maintenant pour limiter la casse. Cette signature a, encore une fois, provoquée des dissensions dans le mouvement.
Pourtant, Michel Laboureur, délégué CGT Tabacol, estime qu'il a reçu 90% de réponses des salariés en ce sens, il reste qu' un tiers des salariés seulement ont répondu au mail d'information. Ces dispositions bidons facilement détournées sont visiblement sans effet, la bonne foi des entreprises est bien fragile ne terme d'échange avec l’État.
Mr Laboureur n'attends rien du délibéré du 06 novembre devant le tribunal de grande instance défendu par Mr Rivlov, avocat des dernières chances, mais n’écarte pas la possibilité des Prud’hommes pour contester des licenciements injustifiés. Par ailleurs un jugement concernant les intérimaires doit être rendu ces prochains jours.
La Seita a touché entre 2013 et 2014, 1,3 millions d'euros dans le cadre du CICE selon Philippe Menard député de la cinquième circonscription Loire atlantique PS qui déclare : "rien ne saurait justifier que l’effort national pour l’emploi et la compétitivité se solde, ici comme ailleurs, par la fermeture de sites rentables et la suppression d’emplois" (327 emplois pour le site SEITA de Carquefou).
CICE qui rappelons le est le crédit d’impôts compétitivité emploi, il a pour objectif de redonner aux entreprises des marges de manœuvres pour investir, prospecter de nouveaux marchés, innover, favoriser la recherche et l’innovation, recruter, restaurer leur fonds de roulement ou accompagner la transition écologique et énergétique grâce à une baisse du coût du travail.
Selon le site du ministère des finances. Il est voté le 5 décembre 2012 par 117 voix contre 33 sur 577 députés…. La loi ANI quant à elle, compte 278 abstention sur un texte majeur, voté à 250 voix pour on peut constater que l'Assemblée Nationale a trouvé l'abstentionnisme utile.
Mais vous me direz : "Qu'est ce que la loi ANI ?" (accord national interprofessionnel). Ici rien avoir avec Gainsbourg, ou peut être il y a-t-il un rapport avec ses gueules de bois.
Ce projet de loi résulte d’un accord entre partenaires sociaux adopté ensuite par l’Assemblée Nationale. En janvier 2013, trois organisations syndicales, signaient un accord avec le patronat et l’État. Michel Sapin considère qu'il dispose de la représentativité syndicale parce que trois organisations sur cinq ont signé tandis qu'en pourcentage ils ne représentent qu'un peu plus de 8%, insuffisant donc pour assumer l'idée d'un accord social représentatif.
C'est ce texte qui semble faciliter les licenciements qui ont permis à Imperial Tobacco de justifier ses fermetures d'usine par une baisse des parts du marché quand les dividendes versés ont augmentés de 10 point en 2013.
Il faut préciser que, dans le cadre de cette loi, l’État Français prend en charge le tiers du plan social payé par les contribuables alors si vous pensiez être étrangers à ces plans sociaux, vous ne l’êtes pas totalement. Ce sont vos impôts qui règlent la facture du Monopoly grandeur nature.
Donc ce PSE est prévu dans cette loi voté le 09 avril 2013 à l'assemblée nationale sous le gouvernement Ayrault, c'est alors Michel Sapin, ministre du travail, que l'on appelle Ministre du Dialogue Social pour éviter les mauvaises blagues dans l’hémicycle, qui défend ce texte destiné a modifier certains article du code du travail, et ce, de manière interprofessionnelle.
Pasqua disait que les promesses n'engagent que ceux qui les reçoivent.
Renvoi du référé auprès du tribunal administratif
Le TGI a renvoyé le Comité d'Entreprise vers le Tribunal Administratif se déclarant incompétent pour traiter le dossier et ce recours. Recours en référé qui avait été déposé pour « insuffisance flagrante du plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) et pour faire stopper le processus de fermeture de l’usine, qui est illégale », avait expliqué l’avocat des salariés, Maître Fiodor Rilov.Les salariés sont en colère principalement contre le système qui appuie les possibilités de licencier sur des sites rentables, pour faire de la France un pays compétitif et flexible sur l'emploi. On peut dire que c'est réussi, la France est devenu compétitive sur le marché du chômage et fait le choux gras des entreprises de reclassement (l'équivalent privé de Pole emploi mais avec des résultats) qui eux ont beaucoup de boulot en ce moment.
Les salariés semblent se faire a l'idée d'avoir perdu cette bataille. Cependant ils sont prêts a renseigner sur les erreurs à éviter au cœur d'une lutte et à servir d’exemple pour je cite "les prochains... "
Michel Sardon
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Article réalisé par Ludovic Rebeyrol
Publication : Lundi 17 Novembre 2014
Illustration : Un bourreau, symbole des emplois détruits
Crédit photo : Photo Jean-Sébastien Evrard. AFP