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Re-Vive l'Empereur ! : l'idée folle de Romain Puértolas

"Re-Vive l'Empereur !" ,publié fin 2015 aux éditions Le Dilettante, "réveille" l'une des plus célèbres figures historiques du monde.

Première de Couverture du livre Re-Vive l'Empereur !

Mesdames et Messieurs, accrochez vous ! Voici la folle idée de l'écrivain Romain Puértolas : Ressusciter Napoléon Bonaparte pour qu'il parte en Guerre contre le terrorisme !

Le concept est attrayant et promets des scénarios jubilatoires. Réputé pour sa finesse tactique et ses grandes conquêtes, Napoléon Bonaparte peut paraître effectivement plus a même de sauver la France que nos bureaucrates actuels...

Loin d'être évident, ce projet littéraire nécessite à première vue des connaissances approfondies sur la période post-révolutionnaire aussi que sur le contexte géo-politique contemporain. Imagination et pragmatisme vont devoir s'unir dans un même ouvrage. Excitée par la curiosité autant que perplexe, je commence la lecture du roman, pleine d'attente envers l'écrivain.

Résurrection


Repêché dans les eaux glaciales norvégiennes, le corps de Napoléon, dont on croyait les cendres dispersées dans la Seine, décongèle et ressuscite. Une société secrète vénérant son souvenir est informée et envoie l'un de ses membres à sa rencontre, en vue de le rapatrier sur l'île de Beauté.

Mais l'éventualité d'une retraite paisible au soleil, aussi méritée soit-elle, ne charme pas l'ancien Empereur des Français. Il découvre la France qu'il a laissée en héritage et le danger terroriste qui le menace. Décidé à sauver son royaume des radicaux-islamistes, il forme sa petite armée.

"Impossible n'est pas Français" répète-il à ses compatriotes : des danseuses de French cancan, un balayeur municipale, un chirurgien poltron, un imam et une prostituée ivrogne. Ensemble, ils ont désormais la mission de sauver le monde.


Un regard positif sur notre société


Le concept de ce roman impliquait une vision panoramique de la société contemporaine, vue par un homme du XIXèmme siècle. À travers les yeux de l'Empereur, on observe le décalage entre les deux périodes, les évolutions ainsi que les régressions.


Je craignais un regard encore pessimiste sur notre France d’aujourd’hui, version actualisée de "l’Ingénu" de Voltaire. Au contraire, Napoléon découvre les acquis incroyables dont nous jouissons au quotidien : la sécurité sociale, le droit de vote des femmes, la tolérance envers les homosexuelles, les progrès de la médecine...


La surprise de l'Empereur est globalement encourageante et les points noirs se situent davantage du côté de l’Élysée, où la bravoure manque...


Un style humoristique


Le style de Romain Puértolas est fluide et rempli d'humour. Parmi mes passages favoris ; cette entrevue caucasse entre Napoléon et les hauts représentants du pays, dont voici un bref aperçu :


"Hollande se frappa le front du plat de la main.

- Décongeler Napoléon pour l'envoyer casser la gueule aux djihadistes ! Pourquoi n'y ai-je pas pensé plus tôt !

Le conseiller du président toussa.

- Parce que vous n'avez pas trop l'habitude de penser, Monsieur.

- Comment ? s'exclama Hollande, offusqué.

- Je veux dire qu'il y a des gens qui sont là pour penser pour vous, tempéra l'homme.

- Ah."


Empêtrés dans leurs manœuvres électorales, les dirigeants sont quelque peu ridiculisés, à la façon des Guignols de l'info. Le roman n'est partisan d'aucun bord politique et tous, de gauche comme de droite, en prennent pour leur grade.


Une leçon d'histoire


Les moments forts de la vie de Napoléon Bonaparte sont évoqués tout le long du roman. Il motive sa petite troupe comme il le faisait avec son armée avant les fameuses batailles de Wagram et d'Ulm.

Il se souvient avec fierté de la bataille d'Austerlitz, mais se désole en écoutant Abba chanter sur Waterloo. La Bérézina le hante encore, le souvenir de Sainte-Hélène ravive sa haine contre les anglais. Il se désole de l'anglicisme frappant la langue française, mais un peu gêné, il cède à la tentation du Coca light...


Il se gonfle d'orgueil au nom de ses réformes maintenues : le Code Civil, la banque de France, la Légion d'honneur... Il se rappelle son entretien avec Cambacérès au sujet des abeilles, symbole impérial. En jean et en basket, il admire l'achèvement de l'Arc de Triomphe, une de ses initiatives architecturales. Il s'étonne de la liberté de la presse et admets que lui-même n'aurait jamais toléré la moindre caricature de Charlie Hebdo à son égard !


Toujours épris de Joséphine de Beauharnais, il fustige contre son amant Hippolyte Charles, oubliant le "ventre" qu'il épousera plus tard (Marie-Louise de Habsbourg). Il se remémore ses anecdotes frivoles, comme ce billet adressé à l'une de ses maitresse après une nuit de passion :

Douce Charlotte, quel effet bizarre faites-vous sur mon cœur... Je serai heureux de retrouver ton petit cul, ce soir.


Un dérapage vers le burlesque


Après une entrée en scène gaillarde, le roman traine un peu sur des faits ennuyeux (histoire de cœur entre Napoléon et l'une des danseuses...). Obligé de cacher son identité au risque de terminer ses jours à l'asile, le personnage tourne en rond.


Il devient plus pathétique et son tee shirt de Shakira ne nous fait plus rire. On frôle l'absurdité. La petite armée prend des airs de troupe de cirque ambulante. L'idée était prometteuse, le projet trop ambitieux sans doute, je ne peux m'empêcher d'être déçue.


L'histoire suscite un regain d'intérêt quand la petite armée passe enfin à l'action. Napoléon a enfin un plan, mais le garde secret. "Si mon chapeau connaissait mon plan, je le mangerais" répète-t-il. Il se questionne sur Daesh et part d'un constat simple pour élaborer sa stratégie : les talibans tambourinent le crâne des plus vulnérables pour leur faire croire que des vierges les attendent gentiment au Paradis ! Grâce à ce prétexte alléchant, l'organisation envoie des jeunes se faire exploser en place publique, répandant la haine et la violence. Napoléon décide alors de manipuler les manipulateurs !


Une fin décevante


Je ne dévoilerai rien du plan de l'Empereur. Dans ses fondements, il repose sur l'idée pacifique que si l'on ne peut pas vaincre, on peut convaincre. Aussi absurde soit-elle, une idée, et a fortiori une idéologie religieuse, renaitra de ses cendres. Mais on peut lever le voile de l'obscurantisme religieux...


Napoléon oublie ses canons et ses fusils et joue les fins stratèges en s'aidant de sa petite armée. Concrètement, ne vous attendez pas à découvrir une solution rapide et efficace contre la gangrène de ce siècle. L'action finale est en fait aussi farfelue que la résurrection de "Napy" dans le port norvégien. L'humour de Romain Puértolas, combiné aux pratiques violentes des salafistes de Mossoul échoue dans un passage un peu glauque.


Mon sentiment en fermant ce livre est mitigé. L'histoire est un cocktail puissant d'imagination, d'absurdité, d'Histoire, de critiques sociales, de mise en garde contre le danger islamiste... À vous de vous laisser embarquer ou non !


Anne-Sophie Delahais


chronique / littérature

Article réalisé par Rédaction Prun'

Publication : Lundi 14 Mars 2016

Illustration : Première de Couverture du livre Re-Vive l'Empereur !

Crédit photo : Le Dilettante






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