On ferme !...?
Le Bouq*Café était une librairie-café associative au Pellerin. C'était un lieu d'échanges inter-générationnels, où tout était fait pour que chacun s'y sente bien. Le samedi 4 octobre , le Bouq*Café a ouvert ses portes pour la dernière fois...
On dit, parait-il, qu'en Afrique, lorsqu'un ancien s'éteint, c'est un peu comme si une bibliothèque partait en fumée...
De là à dire que lorsqu'une municipalité d'un village français commence à s'en prendre à ses associations, qui plus est, quand l'une d'entre elle défend de part ses activités la vie sociale et culturelle de ses habitants , c'est l'esprit même de ce dernier qui est menacé, il n'y a qu'un pas.
Il se trouve que j'habite dans l'un de ces villages et que je me retrouve ainsi au première loge pour témoigner de ce qui se trame depuis plusieurs mois dans les dédales de la politique locale, ici, chez moi.
Chez moi et finalement tout proche de chez vous.
C'est aujourd'hui dimanche, nous sommes le 5 octobre, dehors le soleil s'amuse encore pour quelque temps à nous réchauffer. Le chat comme à son habitude ne se soucie de rien. Comme tout le monde, je n'ai qu'une envie traîner au déjeuner, m'installer tranquillement au creux de la pelouse du jardin.
Ne rien faire d'autre que rien. Comme si nous avions la chance de vivre dans un monde parfait, idéal, dans lequel nous pourrions profiter en toute insouciance, en toute insolence, du temps qu'il ne faut pas laisser s'échapper trop vite car il ne reviendra pas.
Mais non. C'est aujourd'hui dimanche et je suis à mon clavier pour rédiger en tout humilité ces quelques lignes afin de dire qu'ici, chez moi, chez nous, pas si loin de chez vous, s'impose une actualité aussi surprenante que, finalement, triste à pleurer.
Mais que se passe t-il que diable ? Allez vous me dire. Et pour ne pas vous faire languir davantage, j'en viens donc au fait.
Depuis plusieurs mois, dans le village, la rumeur court. Depuis que, comme dans beaucoup de communes, Le Pellerin change de municipalité lors des élections de mars dernier. L'ancienne équipe – socialiste - ne passe pas le premier tour et lors du second, la liste « divers droite » l'emporte d'une poignée de voies (56) sur son rival « divers-gauche ».
Jusque là, tout va bien me direz-vous et je suis bien d'accord. C'est le jeu de la démocratie qui à fait son œuvre et à cela, il n'y a rien à redire.
Depuis lors, cependant, la rumeur enfle, les habitants de la commune se parlent et relatent tous les mêmes histoires. On dit que la mairie envisage de récupérer les locaux jusqu'à présent alloués aux associations (Resto du cœur, Secours populaire...) que la mairie à besoin des locaux pour mettre en place sa « pépinière d'entreprises ». Soit.
On dit aussi que la mairie proposera des solutions de remplacement. Très bien, la coexistence du projet de la nouvelle municipalité avec l'héritage social et culturel laissé par les acteurs d'hier et d'aujourd'hui ne paraît pas, au premier abord incompatible.
Seulement, la mairie qui n'oublie pas de mettre à exécution la première partie de son action, omet de tenir parole en ne proposant finalement aucune solution de remplacement aux associations concernées.
Le bas blesse alors car si les Restos du cœur et le Secours populaire ont le puissant soutient d'un réseau national rodé qui fait reculer la mairie, le Bouq*Café, lui, ne dispose pas d'une telle défense et ne peux que constater, impuissante, qu'il va lui falloir se plier aux exigences de la mairie.
C'était un samedi, nous étions le 4 octobre... Sur la route qui me mène à mon rendez-vous, je dois rencontrer Virginie, la fondatrice du Bouq*Café et la coordinatrice des activités de l'association, me reviennent en tête les informations qui me proviennent d'autres communes du Nord ou du Sud-est de la France. D'autres communes qui, elles aussi ont basculé lors du dernier scrutin municipal et dont les politiques plus qu'hostiles à tout ce qui peut représenter de près ou de loin une certaine idée de la France.
Je remonte donc le cours de la rumeur pour aller me faire ma propre idée.
Je crois que je n'ose pas penser trop fort, de peur que mes appréhensions ne s'avèrent justifiées.
J'arrive enfin dans les fameux locaux de la discorde, au 16 rue du Docteur Sourdille, où est installé l'association le Bouq*Café depuis 4 ans.
Le local est petit, deux pièces principales dont l'une un peu plus vaste où sont encore présent quelques étagères garnies de livres qui n'ont pas encore trouvé acquéreurs. Il dispose aussi d'une arrière-cour assez vaste où j'imagine les soirées de l'association qui ont pu s'y dérouler.
Ah oui, aujourd'hui, c'est jour de marché au Pellerin. Le Bouq*Café est idéalement situé pour profiter du dynamisme que procure chaque samedi matin la présence des commerçants et des badauds qui emplissent la rue.
Mais non, quelque chose d'un peu lourd, d'un peu triste émane des locaux du Bouq*Café. Il faut dire que la journée est un peu spéciale. Le cœur, ce matin, n'est pas comme d'habitude porté à la discussion entre les gens du coin qui apprécient de se retrouver pour papoter du dernier livre lu, pour échanger sur les goûts de l'un ou de l'autre en matière de littérature, le tout autour d'une tasse de café ou de thé à un Euro.
Non, aujourd'hui, le Bouq*Café, plie bagage afin de rendre les locaux pour le lundi 6, comme demandé avec insistance par la mairie qui a refusé tous délais supplémentaires pour récupérer « son » local.
Aujourd'hui, on ne lira pas, on ne papotera pas, on n'échangera pas ou si peu. Dans tous les cas, pas comme d'habitude. Non, aujourd'hui, on vend, on brade livres et meubles. On fait place nette.
J'ai l'impression d'être comme sur un quai de gare. Comme à ses heures où fébrile, l'on espère que le train qui nous éloignera de l'autre arrivera le plus tard possible, voire jamais.
Bordel, que c'est triste tous ces cartons qui se remplissent de bien plus que de quelques bouquins ou de babioles en tous genres. Là, sous mes yeux, les bénévoles et les adhérents, c'est perceptible, mettent en boite leur beau projet faute d'avoir les moyens nécessaires pour le faire perdurer. Dans les cartons, on enferme les heures partagées autour des animations, expositions et concerts organisées par l'association depuis 2010. On enfouie aussi toutes ces heures simples mais riches, du temps où les 94 familles adhérentes pouvaient encore profiter du « Bouq* » pour prendre plaisir à se rencontrer autour d'un livre et d'une tasse de café.
L'après-midi est encore pire. La pluie se mêle à la partie et gâche le souhait des membres du Bouq* d'en finir en beauté. Les cœurs sont encore plus lourds et les yeux sont humides d'un crachin qui semble se trouver en chacun d'eux.
Pendant que Virginie et moi, nous entretenons, les membres continuent leur travail de fourmis. Par là, certains s'en vont chargés de l'étagère qu'ils viennent de racheter, d'autres de quelques livres de poches qui accompagneront leur longues soirées d'hiver.
Virginie me parle de son expérience associative à Paris puis à Nantes.
Les cartons s'empilent devant la porte d'entrée. Elle parle de sa passion pour les livres.
Adultes et enfants mettent un dernier coup de scotch aux derniers cartons, entre deux étagères prêtent à quitter les lieux.
Elle relate avec émotion toutes ces heures d'échanges entre les villageois de tous âges.
Là, des adhérents s'emparent de colis mouillées par la pluie pour les enfouir dans le fourgon qui stationne au dehors.
Elle dit que l'avenir s'annonce incertain pour les membres qui se retrouvent ainsi dépossédés de leur outil.
J'observe et je trouve très touchant tous ces gens qui s'affairent, malgré eux, pour liquider leur projet.
Virginie me donne rendez-vous le 9 novembre prochain où aura lieu une fête digne de l'esprit du Bouq*. Elle me dit qu'il s'agit surtout de se voir « une dernière fois » autour de l'idée du Bouq* mais elle rajoute que paradoxalement ces événements douloureux provoqués par la mairie ont pour effet de remobiliser les troupes et que peut-être chacun, chacune va retrouver l'énergie nécessaire pour continuer, malgré tout, à faire vivre encore et toujours cette belle idée que nous n'avons pas le droit de laisser disparaître sans rien faire.
Pour l'heure, la journée se termine, je fouine à mon tour dans les quelques étagères encore là. Mes yeux se posent sur la tranche d'un livre. Je souris puis je m'en empare.
Quelques instants plus tard, je quitte le Bouq*, la tête un peu pleine de ce qui vient de se jouer sous mes yeux mais aussi avec mon précieux sésame : Je viens de m'offrir « La République » de Platon pour deux euros...
A ce prix là...
bouq*café / le pellerin / association
Article réalisé par Anthony Bernard
Publication : Vendredi 24 Octobre 2014
Illustration : FacePalm : Statue du Jardin des Tuilerie Paris
Crédit photo : Henri Vidal
Stil - 27/10/2014 09h39