Un débat qui n'est pas sans rappeler l'histoire de Vincent Humbert, ce jeune tétraplégique, quasi aveugle et muet. En septembre 2003, sa mère l'avait plongé dans le coma en injectant une très forte dose de médicaments. Trois jours plus tard, le docteur Frédéric Chaussoy injectait une dose mortelle de chlorure de potassium. Les deux mis en examen pour « empoisonnement avec préméditation » et «administration de substances toxiques » bénéficièrent d’un non-lieu général en 2006.
En 2002, Vincent avait exprimé son souhait de partir. « Vous avez le droit de grâce, et moi je vous demande le droit de mourir », avait-il déclaré au Président de la République. Tout comme Chantal Sébire et Rémy Salvat.
Une volonté que comprennent et respectent 92 % des Français selon un sondage Ifop 2013.
La médecine pour aider à guérir... puis partir ?
Euthanasie active, passive, suicide assisté, accompagnement, soins palliatifs... Il y a plusieurs voies pour mourir, ce que tient à préciser Gérard Dabouis, ancien chef du service des soins palliatifs au CHU de Nantes, service où la question de la mort est très présente.
« La médecine m’a aidé à guérir, aujourd’hui j’aimerais bien qu’elle m’aide à mourir », voilà ce que lui déclare un patient un soir. Un souhait plus difficile à entendre pour les médecins français. Même s'il insiste : l’euthanasie est moins un acte précipité qu’une écoute attentive du patient, de ses attentes, de ses choix.
La loi Leonetti imprécise sur le rôle des familles
L’écoute justement, il en est question à l’Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité (ADMD), dont Philippe Loheac est le délégué général. Le standard d’écoute de l’ADMD met en exergue l’impact qu’a eu la décision du tribunal de garder en vie Vincent Lambert : de nombreuses personnes ont manifesté leurs inquiétudes quant au moyen de protéger leurs décisions pour leur parcours de fin de vie.
Car même si la loi Leonetti a été, selon Gilbert Dabouis, un atout au départ, elle n’est hélas pas efficace pour toutes les pathologies, ni pour tous les patients, à l'instar de Vincent Lambert.
Seule loi sur le sujet, elle reste imprécise sur la famille par exemple, et son rôle dans la décision à prendre pour la fin de vie. Mais qui est « la famille » exactement ? Et qui prévaut sur l’autre en cas de conflit ?
Dans le doute que cette loi fait planer, les médecins marchent sur un fil très fin, ce qui les amène, souvent, à ne pas prendre de décision, comme nous l’explique Philippe Loheac : « Si on ne fait rien on ne sera pas poursuivi ».
Une loi inefficace, des affaires médiatisés, un débat qui rassemble les politiques quelque soit leur clivage. Les Français sont prêts à légaliser l’euthanasie, tout comme la majorité des médecins, alors qu’est-ce qui bloque ?
« Donner la mort, un soin comme un autre »
« Il y a, au sein du parlement, des lobbys ultra-catholiques extrêmement puissants », note Philippe Loheac. En cause aussi de grands professeurs de médecines siégeant à l’Assemblée et qui ne veulent pas des lois de démocratie sanitaire, comme celles qui parurent sous l’égide de Bernard Kouchner au sujet du SIDA.
L’euthanasie, illégale en France, ne serait donc pas pratiquée ? Que se passe-t-il vraiment derrière les murs de nos hôpitaux ?
Selon un rapport de l’Institut national des études démographiques paru en novembre 2012, chaque année 4 568 décès se déroulent à la suite de l’administration d’un produit létal. Ce qui inquiète l’ADMD c’est que, sans une vraie loi, on ne peut être sûr qu’il n’y ait pas de dérives dans ces cas d’euthanasies cachées. Selon certains, une loi permettrait d'empêcher les dérives...
« Il faut que les soignants puissent donner la mort, c’est un geste de soin comme un autre » , explique Gilbert Dabouis. La décision de donner la mort se fait de manière collégiale, rappelle-t-il, dans la durée, et non d’une seconde à l’autre. L’euthanasie n'est pas un acte extrême, hâtif, individuel, voir égoïste. Elle se pose au cas par cas, au fil des rencontres.