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Les amants électriques: l'amour à mort

Bill Plympton, le maître de l’animation indépendante américaine, revient avec un film ultra-stylisé sur une passion dévorante. Électrocution garantie.

Les amants électriques

Jake et Ella se croisent au hasard d’une fête foraine. Elle, est mue dès qu’elle le voit par une attirance viscérale. Lui, la sauve héroïquement d’un accident d’auto-tamponneuse. Ils ne se quitteront plus, jusqu’au jour où une garce sans scrupules, voulant mettre Jack dans son lit, va ourdir un plan machiavélique pour les séparer. S’ensuivent jalousies, tromperies et quiproquos, dans un tourbillon coloré de haine et d’amour. 


Six ans après « Des idiots et des anges », le nabab de l’animation indé nous livre donc un joyau cru et cruel sur les affres d’une passion détonante. Goulûment métaphorique et explosivement visuel, l’américain revisite les turpitudes sentimentales à la sauce Plympton, faisant d’une nuée de Cupidons ailés des chirurgiens du cœur ou d’une auto-tamponneuse récalcitrante l’objet d’un coup de foudre improbable. 

La passion, déjà, s’insinue brutalement, sous forme de chocs physiques. La magie visuelle explose quant à elle sous forme de draps dansants immaculés ou dès cette première scène saisissante, lorsqu’Ella marche en lisant, sous les ombres des arcades, robe au vent. 

Un bijou graphique, décalé et hallucinatoire

Ce bijou graphique nous offre de superbes moments de cinéma, une envolée lyrique dans chaque image, une poésie imaginative incomparable et unique, une vision à la fois trash et vibrante des tourments passionnels que peuvent engendrer le désir de l’autre, jusqu’aux désirs de meurtre ou de suicide, tant la vie sans l’autre ou la trahison paraissent insurmontable. L’animation décalée et fantasque de Bill Plympton permet de revisiter de façon novatrice un thème pourtant rebattu, qui donne ici la sensation d’être exploité pour la première fois. 

Des perspectives décalées et hallucinatoires peuplent son dessin original comme autant de déséquilibres émotionnels. Le trait y est volontairement exacerbé, amplifié, la musculature excessive de Jack, le long cou d’Ella, le capot proéminent d’une voiture… Ce goût assumé et fascinant de la démesure, de l’exagération, du sexué, vient ainsi mettre en exergue la passion et lui rendre sa fonction première, celle de l’excès. 

La plus belle idée du film, la plus merveilleuse illusion de cette passion jusqu’au boutiste réside dans une machine futuriste, qui permet à Ella, transie d’amour, de prendre possession du corps des maîtresses de Jack, dans le simple but de pouvoir à nouveau faire l’amour avec, fusse dans la peau d’une autre. L’amour paroxystique, comme un état de transe permanent, une urgence vitale, un besoin étouffant. 

Des émotions fortes sans un mot

La force de cette animation surprenante repose également sur l’absence de paroles du film, les personnages ne s’exprimant que par onomatopées (que vous tenterez sans nul doute d’imiter en souriant au sortir de la séance), et sur une bande-originale délicieuse, composée par l’accordéoniste Nicole Renaud. 

Il est salutaire de rappeler parfois que la passion ne renvoie à rien de rationnel, qu’elle a sa condition propre, en dehors de toute logique, et qu’elle pétrit les cœurs comme bon lui semble, jusqu’à, parfois, faire perdre la raison. Le spectateur reste ébaubi et conquis face à cet amour fusionnel et charnel qui pousse la belle Ella, mi-Jessica Rabbit vintage, mi-intellectuelle romantique, à désirer autant Jack, pompiste musculeux émotif bas de plafond. 

À celui ou celle qui aurait vécu ou vivrait encore ce type de relation troublée, aux confins de la haine et de l’amour, l’histoire de Jake et d’Ella possède des vertus identificatoires qui nous renvoient avec délice à notre condition d’être humain, qui parfois ne maîtrise pas tout, voire ne maîtrise rien, mais a au moins la chance de connaitre des émotions aussi fortes, y compris l'envie de meurtre. L'imagerie cartoon permet alors cela, de mettre en image ces fantasmes assoupis, ce tumultueux cocktail d'Eros et Thanatos

Aux autres, ignorants et néophytes des gouffres passionnels, le charme certain des graphismes stylisés de l’ovni Bill Plympton, l’attachement que l’on éprouve pour les yeux verts d’Ella, la fougue qui se dégage du coup de crayon à chaque image, la poésie fébrile et à fleur de peau qui suinte de cette histoire d’amour, suffira à combler leur appétence de cinéphile. Et si un jour, plus tard, ils ont la chance de croiser ce sentiment teinté d’oxymore et d’excès, ils se souviendront sans conteste de la folie ravageuse de ce couple explosif. 


À ne pas rater au Cinématographe « Les amants électriques » (‘Cheatin’), dimanche 27 avril 18h45/ samedi 3 mai 20h15/ lundi 5 mai 18h30.   


les amants électriques / cinématographe

Article réalisé par Elsa Gambin

Publication : Vendredi 25 Avril 2014

Illustration : Les amants électriques

Crédit photo : Les amants électriques






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