Chauve-souris, n.f mammifère théâtral qui inquiète autant qu'il fascine
Après Lubnia Cadiot(x7), Anaïs Allais Benbouali est de retour au Grand T avec un spectacle déroutant et juste inspiré par sa rencontre avec une jeune syrienne en exil.
Tout commence par l'explosion d'une bombe. Et après le silence... Puis ce flot de paroles. Pas pour expliquer, ni pour pleurer. Simplement pour dire, raconter les battements d'aile d'une exilée.
Mais pas que... La confronter aussi, au quotidien. Le nôtre et le sien désormais. L'absurdité du quotidien, cadré, encadré, organisé, administré, règlementé. L'absurdité du cadre quand tout se dérobe. Alors on rit, mais tout en frissonnant. Alors on suspend son souffle, tout en voulant crier aussi. Et on s'étonne d'une douceur soudainement retrouvée.
Ensuite il y a le silence.
Sur scène, se croisent deux femmes, deux destins, deux âmes « en nidation différée ». Maya vient de quitter son histoire d'amour quand Nour quitte son pays, contrainte de fuir face à la guerre. Deux destins qui se heurtent, se font écho, entre urgence de dire et paroles perdues. Et autour d'elles, les pipistrelles. Chauves-souris en hibernation, en gestation elles aussi, que l'on veut déloger. Colocataires inattendues, étonnantes métaphores.Et l'on partage avec elles, au fil de leurs errements administratifs et médicaux, au fil de leurs souvenirs, cette quête d'un nouveau destin. Et l'on se laisse porter par les jeux de lumière et celui des sons, les voix qui se percutent dans une mise en scène équilibrée et pertinente.
Puis, du silence, la nouveauté, l’étonnement.
Si le ton est parfois hésitant, les mots sont toujours justes, percutants. C'est là que réside tout le talent de la jeune metteur en scène Anaïs Allais Benbouali. Elle a l'énergie de la jeunesse, et tous ses questionnements. En 2012, déjà elle présentait Lubnia Cadiot(x7) sur cette même scène de la Chapelle du Grand T. Un spectacle autobiographique, à travers le destin de sept femmes entre la France et l'Algérie.Là encore, le départ de ce nouveau spectacle est ancré dans la réalité, là encore il vient de la confrontation entre deux pays, provoqué par une rencontre avec une jeune plasticienne syrienne, en exil en France. Mais la suite ne lui appartient plus. La suite revient à l'imaginaire d'une auteur déjà bourrée de talent. Pour Le Silence des Chauves-Souris, étonnant écho au mode de fonctionnement des chauves-souris pour se déplacer dans l'espace (cf. entretien ci-dessus), pour celui-là encore, elle multiplie les casquettes : auteur, metteur en scène et comédienne. Pour celui-là encore, elle s'entoure d'autres comédiens nantais - Juan Pablo Mino, Antoine Orhon, Fanny Touron - habités tout autant par le talent.
Anaïs Allais Benbouali participe avec sa compagnie La Grange aux Belles à revitaliser le théâtre d'aujourd'hui. Et elle porte cela dans son cœur. Son débit de paroles en témoigne lorsqu'elle évoque l'écriture de son spectacle, son cheminement, son travail de metteur en scène... Pas de silence pour l'artiste, mais les mots d'une passionnée.
Infos pratiques
Le Silence des Chauves-Souris est à découvrir au Grand T jusqu'à jeudi soir (23 au 27 février). Le spectacle affiche déjà complet – et vous conviendrez que c'est une bonne nouvelle pour la troupe - mais vous pouvez toujours essayer de vous y rendre un soir, une heure avant le début de la représentation. Quelques places se libèrent bien souvent au dernier moment ! Toutes les infos bien sûr son sur le site du Grand T.le silence des chauves-souris / silence des chauves-souris / anais allais benbouali / juan pablo mino / grand t
Article réalisé par Karine Parquet
Publication : Mardi 24 FéVrier 2015
Illustration : Image extraite du spectacle Le Silence des Chauves-Souris
Crédit photo : Anais Allais Benbouali