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¯\_(ツ)_/¯

"La NSA écoute absolument tous les orgasmes présidentiels."

L'évolution du journalisme vu par Serge July, co-fondateur du quotidien Libération et Philippe Gildas qui a présenté l'émission "Nulle Part Ailleurs" sur Canal + de 1987 à 1997.

 Avec l'arrivée du numérique et des nouvelles formes d'investigation (notamment grâce à Internet), le métier de journaliste est entré en pleine mutation. Une mutation qui se traduit par un changement du traitement de l'information et parfois, de la pertinence de celle-ci.

 Mais alors quel regard porte ceux de la "vieille école" qui ont connu la presse papier lorsqu'elle était à son apogée et qui ont connu la radio lorsqu'elle était la référence en matière d'information ? Éléments de réponse avec Serge July, co-fondateur du journal Libération et Philippe Gildas, ex animateur de l'émission emblématique de Canal + : Nulle Part Ailleurs (NPA).


L'amour du journalisme


 Serge July est né en 1942 et est l'un des fondateurs du journal Libération qu'il a dirigé de 1973 à 2006. Très tôt, il se découvre une passion pour le journalisme et lance le journal de son lycée en 1958. 

 Pour lui, le journalisme moderne prend ses racines aux Etats-Unis où la presse jouit d'une liberté importante, notamment grâce au premier amendement de la constitution qui assure que le congrès n'a pas le droit de proposer de loi qui restreigne la liberté de la parole et de la presse. Ainsi, depuis les débuts du journalisme aux Etats-Unis, jamais aucun journal n'a été saisi par la justice.


 L'influence du journalisme américain rayonne jusque dans les expressions employées par les médias puisque les mots reporter, éditorial et interview sont d'origines américaines. La notion de in (ce qui sera écrit, diffusé, filmé...) et de off (ce qui ne sera pas écrit, diffusé, filmé...) et les 5  w : who did what, where and when, and why (qui a fait quoi, où et quand et pourquoi ? ou QQOQCCP en français : Qui ? Quoi ? Où ? Quand ? Comment ? Combien ? Pourquoi ? ) viennent également des Etats-Unis.

 Malgré son départ du journal Libération en 2006, précipité par l'actionnaire principal Edouard de Rotschild, Serge July reste profondément attaché à son quotidien et assure qu'il est le journal de référence pour les journalistes. 


 Né d'une volonté de créer un journal populaire de gauche (la tendance politique du quotidien n'a jamais été un secret), Libération paraît pour la première fois le 5 février 1973 avec cette profession de foi en encadré : « La politique pour « Libération », c'est la démocratie directe. Aujourd'hui, élire un député, c'est vouloir que le peuple ne dise son mot, qu'une fois tous les cinq ans. Et encore, pendant ces quatre années, « l'élu du peuple » peut-il faire ce qu'il veut ? Il n'est pas placé sous le contrôle de ses électeurs ; il ne représente que lui-même. Mais si des gens du peuple veulent dire pourquoi ils voteront, ils pourront le faire dans « Libération ». Cette forme de débat est possible dans les colonnes du journal. Pour sa part, l'équipe de « Libération » refuse de cautionner un système qui coupe la parole au peuple. »


 "La dimension militante du journalisme se perd un peu" regrette Serge July qui dénonce l'information inutile : "Que Julie Gayet déjeune avec François Hollande dans un restaurant, ce n'est pas de l'information." et se place en tant que défenseurs de la vie privée : " Je pense qu'il faut séparer la vie privée de la politique pour autant que le budget de l'État ne soit pas en question."

 Malgré tout, il admet que la technologie ne favorise pas le respect de l'intimité des personnalités publiques : " Vous êtes dans un restaurant, le président de la République déjeune avec une actrice, il y a évidemment des gens sur Twitter, tout le monde est informé. Sans compter que la NSA écoute absolument tous les orgasmes présidentiels."

 

 Quant à l'évolution du journalisme, Serge July a une idée bien tranchée : "On est en train de vivre une révolution, qui touche non seulement notre quotidien, notre vie, notre manière de travailler, l'industrie. Mais aussi le quotidien papier, très touché par cette révolution numérique. C'est un peu l'équivalent de ce qu'a été l'invention de l'imprimerie." Il garde toutefois espoir que les médias traditionnels restent en place même s'ils subiront énormément de changements : "les chaînes de télévision vont être relativisées par des médias qui diffusent de l'information en permanence, comme c'est le cas avec Twitter. La presse écrite sera très différente de celle qu'on connaît aujourd'hui."

 Néanmoins, un problème subsiste : le modèle économique. Serge July avoue ne pas savoir comment faire vivre la presse aujourd'hui : " Il faut investir dans les révolutions, mais il faut des capitaux et prendre des risques."

 Serge July est donc confiant quant à l'avenir de la presse écrite même s'il admet "[je] ne verrais peut-être pas les formes stabilisées pour autant qu'il y ait des formes stabilisées dans une époque où la technologie va tellement vite."


" Ce n'est plus le même métier "


 Philippe Gildas, né en 1935, est un journaliste et présentateur de radio et de télévision. Il fait ses débuts au journal Combat puis travaille chez RTL avant de faire ses débuts à la télévision à TF1 puis Antenne 2 (l'ancêtre de France 2).
 Par la suite, il deviendra le présentateur de Nulle part ailleurs de 1987 à 1997, l'émission emblématique de Canal +. Dans cette émission qui mélange information, musique et divertissement, Philippe Gildas joue les médiateurs entre les divers protagonistes qui viennent égayer l'émission. 
 Le concept était simple, tout ce qui était dit ou diffusé lors de l'émission devait sortir de l'ordinaire et ne devait être trouvable "nulle part ailleurs". Philippe Gildas avouera plus tard que c'est l'émission avec laquelle il a pris le plus de plaisir dans l'ensemble de sa carrière.

 Pour Philippe Gildas, l'évolution du journalisme a lieu sur plusieurs fronts. Il nous parle tout d'abord de la révolution radiophonique avec l'apparition des radios libres qui ont poussés les grandes radios à se renouveler et donc de fait, à s'améliorer. 
 Le monde télévisuel aussi a subit de profonds changements avec l'apparition du direct, des chaînes d'informations continues et cette politique de "toujours passer des images". Malgré tout, Philippe Gildas trouve qu'on dénature ici le rôle des images avec l'utilisation récurrente d'archives ou même de fausses illustrations (notamment avec l'affaire Andreas Lubitz et le crash de l'avion A320 ou de fausses images de lui avaient été diffusées par TF1). 

 Toujours à propos des images, Philippe Gildas regrette quand même l'apparition de la photo haute définition sur portable qui a peu à peu remplacée le métier de photographe professionnel. Pour l'exemple, Paris Match avait près de 107 photographes dans les années 90 contre 6 aujourd'hui. Il ajoute que la moyenne d'âge des photographes est très élevée.
 Il se permet également d'associer les chaînes d'informations en continue aux réseaux sociaux et rejoint d'ailleurs Serge July à propos de Twitter puisqu'il considère ce média comme un site d'information (si l'on a les bons réseaux). 
 "Malheureusement, l'information sur le net n'est plus contrôlée," rajoute-t-il, "elle est d'abord diffusée, sur internet et sur les chaînes d'information, avant d'être vérifiée. Le vrai journalisme ce n'est pas seulement de reprendre la dépêche, c'est aussi de l'investigation. Aujourd'hui, on passe à côté de plein d'infos, mais ça fait le succès de certains média comme Mediapart puisqu'il traite des informations qui ne sont pas diffusées par les grands médias.

 En tout cas, malgré son parcours riche et diversifié, Philippe Gildas assure qu'il n'y a qu'une seule chose qui lui manque : le reportage de terrain. 

 


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Article réalisé par Louis Scocard

Publication : Mercredi 22 Avril 2015

Illustration : Philipe Gildas et Serge July






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