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La canaille reprend du service

Après plusieurs mois passés à noircir la feuille blanche, les forcenés de Montreuil reviennent avec une plume acérée et des constats médusés. Un troisième album qui vient réaffirmer la légitimité de La Canaille dans le paysage du rap français.

Pochette de

Fils et petit-fils d'ouvrier, éduqué à l'audace de Léo Férré, Marc Nammour, le chanteur du groupe se fait le haut parleur de la rue, avec un rap sans concession. 
Il revendique son art comme une prise de parole purement démocratique dans une société française en mal de valeurs politiques. S'il existe bien une dépolitisation des musiques actuelles, La Canaille porte haut l'étendard d'une lutte des classes fondamentale. L'origine sociale du rap veut qu'il soit une représentation des peuples opprimés et c'est à ce titre que La Canaille met en avant sa filiation ouvrière. 
Ni dieu, ni maître, c'est sur ce vocable que le rappeur dépeint de manière frontale une société en crise des sens. "J’aime quand quelque chose d’anodin devient universel. Du macro au micro." entonne le rappeur, que l'élégance du verbe pourchasse à l'écrit comme à l'oral. 

De l'enclume à la plume


Leurs précédents albums, "Une goutte de miel dans un litre de Plomb"(2009) et "Par temps de Rage" (2011) écorchent l'écorce des qu'en dira t'on et propulsent le collectif dans la catégorie des engagés, des enragés, à mi chemin entre Cabadzi et Casey. Le troisième album auto-produit "La nausée" est sorti en septembre 2014 sur le label associatif La Canaille. 
À l'écoute, on se laisse porter par un fleuve de mots rapiécés, d'une énergie sauvage et massive. Le tout s'accompagne de parties instrumentales parfois lancinantes, souvent sombres et résolument cohérentes avec la prose de l'auteur. 
Sur cet album, il invite à sa table des artistes prodigieux comme le scratcheur DJ Pone, le guitariste Serge Teyssot-Gay de Noir Désir, le performeur déroutant Lazare, l'esthète Lorenzo Bianchi ou encore le chanteur Sir Jean du Peuple de l'Herbe. Le cocktail est détonant pour cette oeuvre consciente, soutenue par une formation musicale solide, au croisement de l'electro et du rock, le tout baigné par une énergie hip-hop transcendantale. 
Les douze titres résonnent comme un hommage à la justice, à l'amour et à la lutte. L'opus aborde des thèmes forts dans une société en mal d'empathie où l'altruisme se fait rare. L'indignation contre l'extrême droite ("Jamais Nationale"), le quotidien morose des nouveaux riches ("Monsieur Madame"), l'angoisse de la mort ("Encore un peu"), l'instrumentalisation des corps ("Pornoland"), la misère et les inégalités sociales ("Omar"), l'appel au répit ("le silence"), l'amour en péril ("Désséché")... Des mots pour les maux d'un monde moderne et barbare. 

Ici, maintenant et debout.


Artistiquement "La Canaille", c'est la voix du peuple. 
Etymologiquement, (canis, le chien) c'est une insulte bourgeoise à l'encontre des prolétaires. 
Historiquement, La Canaille est un chant révolutionnaire de 1865 précurseur de la Commune de Paris dont le couplet ci-dessous est une métaphore de l'esthétique du rappeur parisien. 
Les uns travaillent par la plume / Le front dégarni de cheveux / Les autres martèlent l'enclume / Et se saoulent pour être heureux. / Car la misère en sa tenaille / Fait saigner leurs flancs amaigris... / C'est la canaille / Eh bien, j'en suis!  






la canaille / dj pone / sir jean / lorenzo bianchi / serge teyssot-gay / la nausée

Article réalisé par Frédérique Jouet

Publication : Mardi 28 Octobre 2014

Illustration : Pochette de "Le nausée"






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