[Festival Sarcus 2019] Emergence musicale dans un lieu atypique
Une de nos journaliste s'est rendue au festival Sarcus, pour sa quatrième édition, au Château-Monastère de la Corroirie, en Touraine. Une invitation aux rencontres, à la découverte et à l’émergence musicale dans un lieu atypique sans son cellulaire.
Mi-septembre, c’est la rentrée mais je suis déjà nostalgique de la saison des festivals plein air, des campements entre copains et de la musique qui résonne toute la journée. Ça tombe bien, le Sarcus Festival approche et c’est l’occasion de goûter une dernière fois à une escapade champêtre musicale comme je les aime.
Direction le Sarcus aka « le rendez-vous insolite des amoureux de la musique électronique française » mais aussi une « maison de déconnexion » et pour cause, règle n°1 du séjour : pas de téléphone portable (sur le site du festival).
C’est la 4ème édition, et chaque année, le festival investit un lieu atypique. Après le Manoir de Picardie (2016), Le Moulin de Gambais, bâtisse du 18ème siècle (2017), l’Abbaye de la Clarté Dieu (2018), cap vers le Château-Monastère de la Corroirie aux alentours de Tours. Notre GPS ne trouve pas tout de suite l’adresse et c’est bon signe ! Car un festival, plus c’est paumé, mieux c’est.
Vendredi 22h45 : Le camping taille parfaite
Après une petite trotte du parking au camping (ni trop grand, ni trop petit), nous nous installons pour ouvrir nos 1ères bières. Il fait déjà nuit mais pas mal de lumières et guirlandes en tout genre illuminent notre before. Les bénévoles nous invitent gentiment à entrer sur le site du festival avant minuit. Choix plutôt judicieux pour inciter les festivalier.e.s à ne pas rester toute la nuit sur le camping, mais notre ami qui vient de faire 2 jours de vélo pour venir vient à peine d’arriver, et d’autres voyageur.euse.s s’installent également petit à petit… Le mégaphone retentit à nouveau et BINGO, on a jusqu’à 1 h pour bouger nos fesses.
À l’entrée du festival, une pochette Yondr verrouillée grâce à un système magnétique est remise à ceux qui possèdent leurs téléphones pour les glisser dedans. On est donc beaucoup à les laisser dans nos tentes. Dans tous les cas, pas de fouille extrême, le festival est plus basé sur la confiance. Les bénévoles nous demandent « Avez-vous votre portable sur vous ? » à nous de décider si on souhaite être honnête ou non – si on souhaite passer notre nuit à prendre des vidéos ou à profiter de l’instant.
Château et méditation
On rentre donc dans l’enceinte du Château-Monastère et directement sur notre gauche se trouve la scène « Indri », petite scène avec planche en bois où différentes activités artistiques prendront place le samedi et dimanche après-midi. Le soir, c’est un mapping vidéo qui tourne de 21h à 04h : la « Capsule VJS » mise en place par le collectif ANTN. L’artiste Arsène Prat réutilise des images de deux danseurs filmés pour un projet architectural pour la nuit européenne des musées. Il en fait une composition épique accompagnée d’un texte qui défile dont voici quelques extraits :
« At first, the night covered the world. We were diving in the dark.” “At the beginning, they were two big stars. Two big stars that made us discover the sky.”
“After a certain amont of time. The loneliest reached the other.”
“They made us watch the sky. A place we can’t reach. A heaven they fill, to which we do not belong.”
Des installations en bois sont mises en place juste en face pour se ressourcer quand on a mal aux pattes (et pour admirer le mapping). Juste à côté, le Village Bercail, lui fait office de chill-out, notamment avec un petit dôme tout cosi sous lequel tu peux t’allonger et méditer en paix sur un tapis tout doux. On y découvre aussi une petite structure sous laquelle il y a des chaises de jardin. Des draps suspendus à des arcs forment un petit passage décoré maison avec en suspens des cartons peints en forme d’œil ou d’étoiles et des cartes à jouer version XL.
On continue encore un peu et on arrive au premier chapiteau « Argali ». Le Japan Connection Festival (1er festival des musiques électronique japonaises) s’en empare le 1er soir. De 20h à 7h du matin, on découvre le son nippon représenté par Midori (DJ et producteur parisien) du label Menace, les artistes de Make It Deep Soundsystem, Hugo LX, et Brawther en closing. C’est somptueux, ça groove tranquillement avec une certaine adresse. On se retrouve dans une ambiance jazzy prenante tout au long de la soirée. Une grande sensibilité dans chaque set et pour ma part une jolie découverte, moi qui associait surtout la musique électronique japonaise à celle de l’ambient.
Musique hypnotique
On retourne sur nos pas pour se diriger vers l’autre chapiteau « Kéa » à droite de l’entrée. Petite pause clope devant le mapping où je croise nos amis nantais d’Arpège qui ont ouvert le bal avec un set de 4h sur la scène Kéa auparavant. Ils me disent que c’était super chaud, la vibe est palpante et le public ultra bienveillant. Allez, z’est parti, direction là-bas pour redécouvrir Alexis Le Tan (qui passait quelques semaines plus tôt à Macadam lors d’une soirée Artefaact) mais cette fois-ci en b2b avec Superlate.
On rentre dans une atmosphère particulière où la musique semble nous hypnotiser sans dépasser les 100 bpm jusqu’à un certain temps où l’on s’énerve un peu plus. Tracks obscures qui se dégustent à merveille. Elles font balancer nos corps dans un rythme assez détonant, où l’on se lâche et se retient en même temps.
Finish avec une figure très montante de la musique électronique, OKO DJ : co-fondatrice du collectif Bruit de La Passion, fondatrice de LYL Radio Paris et qui anime une émission Pu$$y Nightmare (espace dédié aux artistes féminines) sur LYL. Un set complètement éclectique, c’est ce qui l’a caractérise le mieux. Parfois violent, parfois joyeux. On passe de la techno à des rythmes plus dansants et puis pourquoi pas un peu de trap avant de passer à la dancehall. Aucune règle, un joli désordre, qui peut parfois étonner la foule.
Il est 7h du matin, les concerts s’arrêtent mais la soirée, elle, est loin d’être finie. After au camping de 7h à 12h, ça c’est du bon petit-déjeuner. Moi je n’avais pas très faim ce matin-là. Je me repose alors avec pour berceuse le soundsystem quelques mètres plus loin et « I want to break free » de Queen qui résonne dans mes oreilles.
Samedi 11h48 : Quelque chose s’immisce peu à peu sur mon corps,
elle embrasse mon cou, coule sur mes bras et me réveille peu à peu… la transpiration ! Quel bonheur alors de sortir de ma tente, et d’être réveillée par un beau soleil.
Nous découvrons enfin les arbres majestueux qui nous entourent que l’on apercevait sombrement la nuit dernière en arrivant. Un de nos voisins les dessine sur son carnet. C’est vrai qu’ils sont beaux, on dirait qu’ils veillent sur nous. On sort les duvets et nous décalons un peu plus loin pour siester, manger et discuter à l’ombre. Je vagabonde alors sur le camping à la rencontre des festivaliers.ères. La plupart viennent de Paris, pour beaucoup c’est le 1er Sarcus festival.
Les gens ne font pas forcément attention à la programmation, pour eux, le festival c’est le moment de découverte par excellence. Une famille de Tours passe par là pour la journée. Un homme joue de la trompette et ça part presque en chorale. Un peu plus loin, une fille joue du Yukulélé. Que de talents sur ce camping. On chante sur du Mylène Farmer « Désenchantée ». On voit déambuler un homme nu avec un bâton comme s’il allait invoquer le festival entier. Il est temps pour moi de rencontrer Marie, qui s’est pointé au Sarcus dans le but d’être bénévole alors qu’on ne lui avait donné aucune réponse sur internet. (Cf podcast)
Samedi 15h30 : C’est le moment de retourner sur le site du festival pour découvrir ce qu’il s’y trame.
Clément, bénévole photographe me prête une carte SD (merci encore à toi) pour que je puisse continuer à enregistrer l’ambiance particulière du Sarcus.
C’est alors que j’interview Malouane, l’un des DJ qui passera dans la soirée en b2b avec Flegon. Je continue ma route et m’arrête un instant sur la scène Indri pour regarder le spectacle en cours « Têtes-à-têtes » Danse et conte par Charlotte Gergaud, Vivien Knuchel et Apolline Agard.
Dans un univers breton, l’histoire du deuil de mémé présenté par les 3 jeunes danseur.euse.s dont un musicien. C’est perché, c’est beau et poétique. A la fin de la représentation, j’en profite pour aller poser quelques questions à Margerie Chesnais, Manola Juliano, Charlotte Mésséant et Valentine Salazard qui sont passées un peu plus tôt pour présenter « Almeno Quatro », une création artistique mêlant danse, récitation théâtrale et musique.
Le travail consiste à faire émerger une œuvre artistique à partir d’un lieu, ici le Château-monastère de la Corroirie, autour de l’alchimie et notamment des 4 éléments. (Cf podcast)
Juste à côté, le bercail amuse la galerie avec diverses activités : stand de tatouages, twister géant, yoga, fripperie, karaoké… J’ai loupé le twister que j’attendais mais pas le temps pour les regrets. Il est l’heure de retrouver les token d’hier en fond de poche pour aller me déshydrater et écouter la musique. Direction le chapiteau Kéa où Felix Dulac ambiance le terrain comme il se doit.
Je croise notre nantais Fasme, heureux, pimpant comme tout et du coup j’en profite pour l’interviewer. (Cf podcast) On discute pas mal, assis sur l’herbe avec d’autres chouettes types qui s’avèrent être les prochains à passer en live : Oden & Fatzo.
Oden & Fatzo : coup de cœur du festival
Et c’est pour moi le 1er coup de cœur du festival. Ce sont deux duos regroupés et à eux quatre, ils envoient du pâté en croute de luxe. C’est un parfait mélange entre des grandes claques acides dans la tronche, et puis d’un seul coup, une douceur minimale qui vient te caresser. Et les deux vont très bien ensemble. Joli travail de groupe où la moitié du duo s’occupe de lancer les stems de leurs tracks et les deux autres séquencent leurs machines analogiques.
C’est ensuite Rohmi et Charlotte représentantes du label 100% féminin RA+RE qui jouent en b2b et ça s’enchaine plutôt bien car leur set reste dans la vibe minimale. Fasme prend la relève avec brio pour nous offrir un live acid, mélancolique, subtile et très doux.
Je retourne vers la scène Argali pour y découvrir Groove Boys Project (live band) et je tombe face à un saxophoniste (Ismael) qui improvise en solo. Ça fait du bien d’entendre des instruments. La foule se réjouit et pousse des cris. Il y a une énergie particulière. A la base, c’est un duo mais pour le festival c’est une toute autre configuration : une batteuse (Lulu St Germain), une chanteuse (Ava Baya) des boîtes à rythmes, des synthés, des guitares, une basse et une grosse console viennent rajouter leur pierre à l’édifice… et quel édifice !
On se retrouve dans une jam avec la même énergie jazzy que la veille avant que Flegon et Malouane s’installent pour faire danser la foule à base de house tendre et groovy à souhait.
Retour sur la planète Kéa où Les Fils de Jacob m’envoûtent…encore une fois. J’avais découvert l’un des gars au festival Monticule pour un autre duo A Strange Wedding. Je reconnais ici un style bien similaire. Downtempo, animal, tribal, shamanique… leur univers particulier est séducteur. Pour ceux qui les ont vus au Residanse Festival, c’était probablement le même set. Et ils repassent à Macadam le 26/10 pour le Positive Education tour.
C’est au tour de Carl Finlow, le doyen, légende électro et tête d’affiche du festival de nous proposer un live aux sonorités acid, ambient et breakbeat. Je déguste tant que je peux car pour être honnête, c’est l’artiste qui m’a décidé à venir. Une heure, ça passe beaucoup trop vite. L’autre tête d’affiche Umwelt, artiste lyonnais et connu mondialement vient finir ce samedi soir avec un set de 3h. C’est précis, pointu. Je ressens pour la 1ère fois du festival les frissons d’une techno plus mentale (jusqu’ici c’était surtout house). La foule prend son pied. L’ambiance devient plus rave.
Samedi 4h20 : Et si on retournait voir la capsule VJS ?
Le mapping vidéo qui défile ce soir-là est signé Antonin Dony, artiste visuel et numérique. On voit un remontage du film Fantastic voyage (voir projet éponyme) en faisant hommage aux films de sciences fiction des années 50,60 et 70. J’me ballade tranquillement vers Argali, et là le son me plaît…beaucoup.
House rythmée, bien sec, mélodies micro. Je danse, je danse, je danse et… plus de son. La pluie vient couper notre élan à tous. Je retourne vers Umwelt, puis je reviens. Le son est de retour. Et là, deuxième gros coup de cœur définitif du festival pour Dawidu qui vacille entre electro, house, hip-house, new beat, à la fois des années 80 et de notre génération. On est plus que 30 pecnos devant le son. Les autres sont tous à l’autre scène. Mais je ne bougerai pas, c’est trop bon !
Je finis par reconnaître le personnage au physique atypique, à qui j’avais acheté des accessoires dans une friperie du 18ème arrondissement : Teiubesc Sapology (même nom pour le label). Ils ont déménagé leur shop à Berlin désormais. Je repars au camping et m’endors alors, ravie.
Et voilà que le Sarcus Festival s’achève, avec un dimanche après-midi sous le signe de la joie et de la bienveillance. Un public plus réduit pour cette dernière journée où de 10h à 20h, les gars de Beau Mot Plage assurent notre bonne humeur et nos dernières danses avec efficacité.
On danse, sous la pluie et sous le soleil aussi, car le temps change. Mais nous on est figé, sous le chapiteau Kéa pour profiter des ultimes pas chassés, croisés, arrière tendu piqué, et rondades en tout genre avant de repartir chacun chez soi.
Cette fois-ci, c’est vraiment la rentrée. Merci à Noé pour l’invitation, aux bénévoles pour leur travail, aux festivalier.e.s pour leur confiance et bienveillance et à Prun’ pour l’occasion. Et big up aux artistes talentueux que je n’ai pas forcément cité, Vincent Privat boss du disquaire Dizonord, Dusty Fingers, Daniel Weil, Arno N’Joy, DJ Eliot… #RAVEON
[Et pour une immersion plus immersive, écoutez le podcast. (Avec entre autre, ambiance sonore du camping, interview d’une bénévole, des DJs Fasme et Malouane, et des artistes performeuses d’ « Almeno Quatro »]
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Article et reportage réalisés par Lara.
NB : sons enregistrés en conditions "festival". Tmtc.
sarcus festival / fasme / dawidu / oko dj / déconnexion
Article réalisé par Constance Bénard
Publication : Mardi 08 Octobre 2019
Illustration : Sarcus 2019