Rencontre : Enfermé dans l'horreur, le peuple syrien épuisé
La crise syrienne est aujourd'hui des plus complexes mêlant politique et religion. La communauté internationale est divisée au gré des intérêts personnels de chacun, marginalisant complètement un élément central : la population.
L'essence même de ce conflit résidait en la volonté de liberté d'un peuple. Il se voulait pacifiste, mais deviendra finalement affreusement sanglant, triste paradoxe.
Hanadi et Abdulrazak, couple syrien débarqué à Nantes en 2007 pour leurs études, me confient tout l'espoir que leur a procuré ce soulèvement. Bien entendu ils avaient conscience de la difficulté de la tâche. Face à eux, se dressait ce gouvernement « trop radical, trop répressif, trop, trop ». En effet le système politique reposait sur l'intimidation et la peur. Les Syriens étant constamment espionnés, asphyxiés par l'impression incessante qu'il y ait « un espion derrière chaque personne ».
Le régime, sous l'autorité d'un dictateur sanguinaire, Bachar El Assad, s'appuie sur un clan qui s’attribue tous les pouvoirs. Cet homme, il faut constamment « l'aimer et l'honorer », c'est en tout cas ce qu'apprenaient les enfants dès leur plus jeune âge à l'école.
Élevé avec l'idée de la supériorité
Critiquer le régime était perpétuellement source d'angoisse. La confiance familiale que l'on accorde à ses parents, frères et sœurs si fidèles, permettait de délier les langues, parfois. Cependant il fallait sans cesse rester attentif à son débit, « les murs ont des oreilles ». L'adage reflète parfaitement le sentiment d’inquiétude ressenti lors de ces discussions prohibées et condamnées. Avec ses amis la méfiance était de mise, la prudence aussi.
Le peuple syrien avait connaissance des libertés « des pays du nord », une certaine vision de la démocratie en Europe et aux États-Unis, et ce malgré les tentatives du régime de représenter le monde occidental tel un monstre gigantesque qui a, à de nombreuses reprises, étendu ses tentacules sur leurs terres.
Pour Hanadi ce qui a permis le déclenchement de cette révolte réside dans « la nouvelle génération » qui, avide de culture, de progrès, alimentée par internet et le satellite, par la communication toujours plus facile, ne pouvait accepter l'humiliation plus longtemps.
Ils sont enfermés dans la guerre des intérêts
Le peuple à cru, au début, au soutien de ces grandes nations démocratiques et libertaires, aujourd'hui ce n'est plus le cas, les positions des uns étant trop enracinées, les autres n'ont pu qu'agir de manière minime. Les Syriens se voient donc marginalisés au profit des intérêts de chacun, « les seuls qui payent dans tout cela ce sont les civils ».
La Russie se permettant même de bombarder, sous l'excuse de lutter contre le terrorisme, des rebelles opposés à Bachar El-Assad.
La maman d'Hanadi réside à Alep, où les combats font rage, l'eau potable et l’électricité pouvant être absents un mois durant, elle n'arrive pas à se rendre compte du quotidien qui est le sien, « je n'arrive pas à réaliser dans ma tête », dira t-elle.
La population est dépassée, épuisée, n'est plus capable d'exprimer son quotidien, sa souffrance qui, tellement ancrée, n'est plus descriptible. L'obscurité de la violence s'abat depuis plus de quatre ans maintenant, elle étouffe et affecte profondément les habitants, provoquant un mutisme sur ces événements.
La communication est limitée, internet n'étant plus accessible, seul le téléphone permet de garder contact, des appels qui ne dissimulent pas le bruit des bombardements. Le peuple est « enfermé ».
Elle était toute belle la Syrie
syrie / géopolitique / rencontre / témoignages
Article réalisé par Gabriel Orieux
Publication : Lundi 07 DéCembre 2015
Illustration : Place Saadallah al-Jabiri après uen attaque à Alep
Crédit photo : Wikicommons - Zyzzzzzy
Commentaires
Gabriel Orieux - 20/01/2016 22h16
Jakson - 07/01/2016 14h10