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Rencontre : Enfermé dans l'horreur, le peuple syrien épuisé

La crise syrienne est aujourd'hui des plus complexes mêlant politique et religion. La communauté internationale est divisée au gré des intérêts personnels de chacun, marginalisant complètement un élément central : la population.

Place Saadallah al-Jabiri après uen attaque à Alep

L'essence même de ce conflit résidait en la volonté de liberté d'un peuple. Il se voulait pacifiste, mais deviendra finalement affreusement sanglant, triste paradoxe.

Insufflé par un vent de printemps venu d'ouest, des manifestations populaires se préparent à Damas, la capitale de la Syrie et à Alep, deuxième ville du pays, en février 2011.       

Hanadi et Abdulrazak, couple syrien débarqué à Nantes en 2007 pour leurs études, me confient tout l'espoir que leur a procuré ce soulèvement. Bien entendu ils avaient conscience de la difficulté de la tâche. Face à eux, se dressait ce gouvernement « trop radical, trop répressif, trop, trop ».        En effet le système politique reposait sur l'intimidation et la peur. Les Syriens étant constamment espionnés, asphyxiés par l'impression incessante qu'il y ait « un espion derrière chaque personne ».

Le régime, sous l'autorité d'un dictateur sanguinaire, Bachar El Assad, s'appuie sur un clan qui s’attribue tous les pouvoirs. Cet homme, il faut constamment « l'aimer et l'honorer », c'est en tout cas ce qu'apprenaient les enfants dès leur plus jeune âge à l'école.

Élevé avec l'idée de la supériorité

À leur arrivée en France, ils sont marqués principalement par cette liberté qui permet de revendiquer nos droits à n'importe quel moment, de manière juste, égale et équitable. Chacun étant « traité en tant que tel, parce qu'il est un être humain qui a des droits », et non par son héritage, par sa succession, par ses connaissances. En Syrie, la hiérarchie sociale est extrêmement prononcée : pour rencontrer ne serait-ce qu'un professeur il faut passer « par milles intermédiaires ».                          
          
Critiquer le régime était perpétuellement source d'angoisse. La confiance familiale que l'on accorde à ses parents, frères et sœurs si fidèles, permettait de délier les langues, parfois. Cependant il fallait sans cesse rester attentif à son débit,  « les murs ont des oreilles ». L'adage reflète parfaitement le sentiment 
d’inquiétude ressenti lors de ces discussions prohibées et condamnées.  Avec ses amis la méfiance était de mise, la prudence aussi.     

Le peuple syrien avait connaissance des libertés « des pays du nord », une certaine vision de la démocratie en Europe et aux États-Unis, et ce malgré les tentatives du régime de représenter le monde occidental tel un monstre gigantesque qui a,
 à de nombreuses reprises, étendu ses tentacules sur leurs terres.    

Pour Hanadi ce qui a permis le déclenchement de cette révolte réside dans « la nouvelle génération » qui, avide de culture, de progrès, alimentée par internet et le satellite, par la communication toujours plus facile, ne pouvait accepter l'humiliation plus longtemps.

Ils sont enfermés dans la guerre des intérêts

Rapidement la communauté internationale s'est penchée sur ce conflit, certains pays ont soutenu El Assad, d'autres, la révolte. Emmenée par les États-Unis, « police du monde », et la France, une résolution condamnant la répression est présentée au conseil de sécurité de l'ONU en Octobre 2011. Elle est rejetée par les vétos russes et chinois, ce qui sera systématiquement le cas par la suite.

Le peuple à cru, au début, au soutien de ces grandes nations démocratiques et libertaires, aujourd'hui ce n'est plus le cas, les positions des uns étant trop enracinées, les autres n'ont pu qu'agir de manière minime. Les Syriens se voient donc marginalisés au profit des intérêts de chacun, « les seuls qui payent dans tout cela ce sont les civils ».                                                                        

La Russie se permettant même de bombarder, sous l'excuse de lutter contre le terrorisme, des rebelles opposés à Bachar El-Assad. 
Car en effet, un  autre acteur à vite gangrené le pays, venu principalement de l’extérieur : le terrorisme. Dispersant un venin idéologique à la volonté des seuls armes, ils ont forcé les révolutionnaires à lutter sur deux fronts et permis à Bachar El-Assad d'obtenir un répit de la part de la communauté internationale tourné vers la lutte contre Daech. 
Garder espoir, tel est le maître-mot, pour ces Syriens exilés, vivant constamment dans l'angoisse de savoir familles et amis menacés. Au pays, l'optimisme a disparu sur les territoires les plus disputés, renvoyant les civiles à leur désespoir.
La maman d'Hanadi réside à Alep, où les combats font rage, l'eau potable et l’électricité pouvant être absents un mois durant, elle n'arrive pas à se rendre compte du quotidien qui est le sien, « je n'arrive pas à réaliser dans ma tête », dira t-elle.        

La population est dépassée, épuisée, n'est plus capable d'exprimer son quotidien, sa souffrance qui, tellement ancrée, n'est plus descriptible. L'obscurité de la violence s'abat depuis plus de quatre ans maintenant, elle étouffe et affecte profondément les habitants, provoquant un mutisme sur ces événements.
La communication est limitée, internet n'étant plus accessible, seul le téléphone permet de garder contact, des appels qui ne dissimulent pas le bruit des bombardements. Le peuple est « enfermé ».

Elle était toute belle la Syrie

Le regard évasif, la pensée perdu dans les images du paysage syrien d'avant guerre, j'observe dans les yeux d'Hanadi la flamme qui brûle pour son pays. Elle n'a pas conscience de l'étendu des dégâts de ce territoire, qui pourtant, ne cessait de s'embellir d'années en années. De son « paradis », elle aurai pu, des heures durant m'en parler. 
La paix revenue, ils projettent avec Abdulrazak, son mari, de retourner sur leur terre et de dévoiler à leurs filles toute la beauté de cette nation qu'ils chérissent tant. Les retrouvailles entre Hanadi et la Syrie risque d'être extrêmement émouvante car elles se seront fondamentalement et viscéralement manquées.


syrie / géopolitique / rencontre / témoignages

Article réalisé par Gabriel Orieux

Publication : Lundi 07 DéCembre 2015

Illustration : Place Saadallah al-Jabiri après uen attaque à Alep

Crédit photo : Wikicommons - Zyzzzzzy





Commentaires

Jakson - 07/01/2016 14h10


Gabriel Orieux - 20/01/2016 22h16



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