Billet : Présidentielles, le camp des perdants
Désarroi déjà roi... depuis longtemps. L'exemple du premier tour des présidentielles 2017.
Hier soir encore, la tension accumulée pendant la campagne présidentielle a atteint son paroxysme à 20 heures devant la première estimation donnant Emmanuel Macron et Marine Le Pen au second tour des Élections Présidentielles.
Les Guignols de l'info avaient créé Supermenteur, pour rire et dénoncer les pratiques politiques et personnelles désastreusement abjectes de Jacques Chirac (détournements de fonds, abus de biens sociaux, emplois fictifs, etc.)
Comme pour dire : "C'est bon, les mythos vous êtes grillés !"
Et bien non. L'histoire se répète. Les mythos ont, à nouveau, fait des scores incroyables, les deux intouchables "rebelles" Fillon et Le Pen cumulant plus de 40 % à deux.
Quoi se dire comme électeur ? Je suis allé voter, pour la dernière fois à l'élection présidentielle de la Ve république, hier après-midi. Et hier soir mes sentiments étaient multiples, un titre résume le tout : Suicide Social de Orelsan. Allez chier bande de FDP !
Parcourant twitter et son hashtag #Nuitdesbarricades, j'ai fini par accepter le fait que, pour l'instant, j'étais du côté des perdants.
Mes idées ne sont représentées nulle part tout en haut. Mes idées et mes valeurs sont celles de la solidarité entre humains, le refus de la misère sociale et éducative, l'égalité entre chacun, le droit à la protection sociale, la lutte contre l'accumulation indécente des richesses, le droit de développer une économie et des entreprises locales protégées des grands groupes qui ne pensent qu'économie d'échelle au dépens de leurs salariés, de leur bien-être et de leurs salaires plafonnés.
Je fais partie de la très large "élite intellectuelle" par mon métier. Mais je suis surtout un membre de la France majoritaire : peu de revenus, précarité planant sur mes envies professionnelles, celle qui fait des compromis entre vie quotidienne et petits plaisirs ponctuels. Je suis donc de la majorité qui a besoin d'une vraie politique de gauche qui me protège, qui garantit une éducation publique, qualitative et gratuite à la nouvelle génération de ma famille, qui me permet d'avoir des soins lors de problèmes sans avoir à sortir de l'argent que je n'ai de toute façon pas, celle qui ne laisserai pas mourir des gens dans la solitude ou frapper des migrants ou des manifestants dans la rue.
Mais hier soir à nouveau, le désarroi m'a frappé. Je vis dans la France qui vote (pour celle qui a le droit de vote et qui l'exerce), pour plus de 70 % cumulées, contre elle-même, anti-protection sociale, anti-solidaire, pro-inflation spéculative, anti-pauvre, contre le partage du travail et anti-égalitaire.
Face à ma page web affichant le direct de France 2, je savais déjà à 19h50 que Macron passait au second tour étant donné le niveau de détente des deux speakerines qui animaient le plateau. David Pujadas, en charentaises, pensant son mode de vie comme en sécurité avec celui qui gagnera le deuxième tour dans deux semaines sans problème.
Je me suis fait la réflexion suivante : "La valeur de tous les vêtements qui passent par ce plateau cumulée dépasse le prix de mon appartement à Nantes." (car, oui, je suis complice aussi de la spéculation immobilière à ma petite échelle quand même)
Le plus beau de ces vêtements était le slip en soie dans lequel se sont glissés Pujadas, Salamé et Teinturier en disant à tous ces abrutis de Français qui ont douté que, quand même, l'institut de sondage avait toujours raison : "c'est dit, ET bien dit" ajoute David Pujadas à l'égard de Brice Teinturier qui gagne mon salaire annuel en un mois voire plus grâce à ces sondages et estimations.
L'heure et demie que j'ai suivie en direct m'a alternativement montré des têtes que je connais depuis mon enfance et des stratégies politiques éloignées, très éloignées, de la sincérité et de la vérité. Vice poussé jusqu'à donner la parole à Raffarin, qui accumule à lui seul plusieurs retraites et rémunérations grâce à l'argent des contribuables. Et Raffarin de dire à la fin de plusieurs prises de parole où il parle de l'avenir de la France que lui de toute façon après les présidentielles il nous laisse à nos problèmes parce que perso il a d'autres choses à faire... Mais ! Mais !!! Mais !!... Mais pourquoi tu parles du futur de la France si t'en fais pas parti ?
Moi, je n'aime pas qu'on fasse ou dise les choses à ma place surtout quand ce n'est pas dans mon intérêt et que l'orateur n'est pas légitime. Et ça se déroule devant mes yeux, sur une chaîne publique avec deux passe-plats qui se sont surement couchés en pensant qu'ils avaient bien travaillé.
Je commence enfin à comprendre l'expression "on va faire sans eux". Eux qui parlent pour nous, pensent pour nous, mangent les parts du grand gâteau sans nous, vivent dans l'indécence par leurs privilèges liés à leurs carrières politiques sans avoir jamais avoir eu à se battre pour rien sauf conserver un peu de pouvoir ou une rémunération de plus en plus élevée sans principe de partage ou même de considération de la majorité des Français qui n'en profite absolument pas de ces privilèges.
Alors je rejoins pleinement celles et ceux qui font déjà sans eux. Mon désarroi n'a pas eu raison de mes envies citoyennes et personnelles. Au contraire, ma combativité se renforce à chaque constat.
Mon principe de dépollution m'a fait arrêter de consommer n'importe comment, arrêter de donner de l'argent à l'industrie du tabac, arrêter de voter pour des personnes qui me font du mal (PS lacrymogène vous ne me retrouverez jamais plus comme votant).
Alors ce principe de dépollution aura raison de mon espoir mal placé dans des fonctionnements non-démocratiques pour amener aux nues des représentants qui agissent contre moi et contre l'intérêt commun majoritaire.
Je choisis la bienveillance, la lutte contre les clivages, l'éducation populaire, l'égalité entre humains et travailleurs. Je rejoins les rangs de celles et ceux qui battissent des solutions sans attendre l'assentiment de dominants.
Boris Lemasson
Merci à Anna Tuyen Tran pour sa relecture
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Article réalisé par Rédaction Prun'
Publication : Lundi 24 Avril 2017
Illustration : Jacques-Chirac grimmé en Supermenteur par les Guignols de l'Info
Crédit photo : Les Guignols de l'Info