De l'obligation familiale, ou le choix de son destin
Petit, ou les Ogres-Dieux, un conte, une fable, une histoire hors du commun, pour un "petit" bonhomme, pas plus haut que trois pommes (au moins à sa naissance), mais qui va modifier le paysage familiale...
Du plus jeune et plus petit des Ogres, c’est toute l’histoire d’une famille et de ses membres qui est contée. Héritage, coutumes, tiraillements... Un superbe récit gothique autour du déterminisme familial.
Petit est le fils du Roi-Ogre. À peine plus grand qu’un simple humain, il porte sur lui le signe de la dégénérescence familiale qui rend chaque génération plus petite que la précédente à force de consanguinité. Son père veut sa mort, mais sa mère voit en lui la possible régénération de la famille puisqu’il pourrait s’accoupler à une humaine tel que le fit jadis le Fondateur de la lignée.
Elle le confie alors à la tante Desdée, la plus ancienne d’entre eux, qui, déshonorée en raison de son amour pour les humains, vit recluse dans une partie de l’immense château. Seulement voilà, contrairement au souhait de sa mère, elle tentera d’élever Petit à l’inverse des mœurs familiales...
Tiraillé entre les pulsions violentes dont il a hérité et l’éducation humaniste qu’il a reçu de Desdée, Petit cherche sa place et veux survivre à l’appétit vorace de sa famille.
Un récit construit sous deux axes narratifs : la bande dessinée raconte l’histoire de Petit, tandis que les textes illustrés se concentrent sur la vie des différents souverains depuis le Fondateur.
Hubert déroule magnifiquement son épais récit initiatique de 174 pages, alternant les séquences BD en noir et blanc avec de brefs focus écrits (de belles lettres !) permettant d’éclairer chaque personnalité de cette étrange généalogie.
De prime abord, on pourrait penser que cette histoire, ce conte de fée, pardon d’ogre, est accessible à de nombreux types de lecteurs…Il n'en est rien, et loin s’en faut. La famille ogre est immensément royale, tant dans ses agissements que dans ses débordements. Ils mangent, se goinfrent, or l’appétit de ces ogres n’a d’égal que leur médiocrité intellectuelle.
On assiste à une méprise presque naturelle du genre humain, un rejet de cette caste du fait de leur taille, de leur avilissement…et en tant que lecteur, on se sent mal à l’aise, pas à sa place…comme un homme de couleur dans un défilé du Ku Klux Klan…..on tombe dans le sordide, et le politiquement incorrect, mais c’est tellement beau.
Une attirance particulière pour le dessin hors norme ?
Il fallait bien cela pour illustrer clairement et simplement le gigantisme, l'énormissime, le cathédralesque décors que nous à concocté
Gatignol.
Au travers d'une
ligne claire, un trait qui souligne particulièrement ses personnages au milieu de décors sombres, voir même carrément noirs, ce dessinateur nous permet soit de nous sentir au niveau de l'action (Taille des ogres-dieux), soit carrément de nous mettre au niveau beaucoup plus inférieur, c'est à dire au niveau des hommes, sous-fifres parmi les sous-fifres, et qui renforce encore un peu plus ce sentiment de mal être en lisant cette BD.
Si on vient saupoudré tout cela du scénario que nous a aménagé Hubert, nous arrivons à une recette plutôt réussi. Avec néanmoins ce petit bémol (qui vient certainement de la ligne éditorial dirigée par l'éditeur et sa directrice de collection Barbara Canepa) : Cela fini un peu trop vite à mon goût...Laissons alors planer le doute et l'espoir d'un second tome tout aussi époustouflant.
Dans tout les cas et en guise de conclusion, ce conte gothique hors gabarit, pour adultes, fait du bien dans un paysage bédéphile normalisé, et j’espère qu'il remportera un prix lors du prochain festival d'Angoulême 2016
bd
/ ogre
/ déterminisme familial
Article réalisé par Sébastien Blanquet
Publication : Mercredi 22 Juillet 2015
Illustration : Couverture des Ogres Dieux....La couleur et l'ambiance donnent le ton.
Crédit photo : Hubert & Gatignol - Soleil - Collection métamorphose