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La loi Taubira sera-t-elle une avancée dans les prisons de Nantes ?

1 200 détenus sont répartis dans les quatre lieux de privation de liberté de Nantes . Vivre dignement sa détention, apprendre en prison et se réinsérer, autant de secteurs d'action pour l'association Prison Justice 44.

La prison, une solution utilisée depuis des siècles par le pouvoir. Son rôle : faire payer pour les crimes et délits perpétrés, protéger la société d'individus potentiellement dangereux, faire prendre conscience au condamné de la faute commise et enfin lui offrir une seconde chance en réparant les "handicaps sociaux" qu'il avait en rentrant. 


Faire payer pour les crimes et délits perpétrés, la prison le fait très bien, tellement bien qu'elle ne semble jamais rassasiée. Au 1er janvier 2014, le taux d'occupation des prisons françaises a atteint 116,6%, soit 67 065 détenus pour 57 516 places. 


Pour protéger la société, la case prison est une solution bon marché : pour l'Etat, la journée d'un détenu coûte 10 fois moins cher en prison qu'en hôpital psychiatrique (qui équivaut à 800 euros par jour). Elle a le mérite de faire prendre conscience au détenu de la faute commise. La plupart de ceux qui sont libérés savent qu'ils méritaient leur peine. Cependant, en sortant, un nouveau ressentiment se greffe souvent en eux, au fil des moments dégradants que leur a fait subir l’administration pénitentiaire. 


2 détenus sur 3 enfreignent une nouvelle fois la loi après leur libération

La tâche la plus ardue reste la réparation des handicaps sociaux des personnes détenues, ce qui pourrait les doter d’une deuxième chance à la sortie. 

Cela peut passer par le comblement de lacunes, comme l'apprentissage de la lecture. Il faut savoir que 28 % des détenus ne savent pas lire, ou mal. Ça peut être aussi l'occasion de se défaire d'une addiction à la drogue, à l'alcool. 


Selon l'expérience d'Etienne Herard, de l'association Prison Justice 44, la multiplication des handicaps sociaux, à savoir avoir des difficultés à lire, être sans diplômes (les trois quarts n'en ont pas), être étranger (18% des détenus) ou dépendant de stupéfiants,... Le tout facilite un parcours qui mène derrière les barreaux. D’ou l’importance pour la prison de réparer les dégâts, car le taux de réitération est effarant : au cours des cinq années qui suivent leur libération, 60 à 70% des anciens détenus ré-enfreignent la loi. 

Une réalité que les politiques masquent en préférant habilement utiliser le taux de récidive, qui n'est que de 10 %, mais qui ne représente qu'une facette étroite du problème (la récidive étant une situation particulière de réitération) 


La loi Taubira, une avancée qui a besoin de moyens

De ce point de vue, la loi Taubira, débattue prochainement, apporterait une avancée selon Prison Justice 44. Elle propose une réflexion plus constructive autour du détenu, comme par exemple la contrainte pénale (contraindre le prévenu à aboutir à un projet personnel) ou la fin des sorties "sèches" (plus de libération non préparée, mais accompagner la sortie du détenu). 


Ces projets demanderont des moyens, donc de l’argent, indispensable si l’on veut solutionner cette situation précaire. Aujourd'hui le budget français de la justice n'est qu'au 33ème rang mondial, plaçant la France derrière l'Azerbaïdjan. 

En conséquence, une administration sous-représentée : le Service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation (SPIP) ne devrait pas avoir en charge plus de 50 dossiers pour accompagner et réinsérer efficacement chaque détenu. Aujourd'hui, il en gère 120 à 150. Des conseillers qui sont en sous-effectif, tout comme les juges, aussi nombreux en 2014 que du temps de Napoléon, il y a près de 200 ans ! 


Beaucoup de boulot donc pour Christiane Taubira, rescapée du remaniement, mais aussi pour nous, contribuables ou non. Car toute réforme demande effort, et pour ce grand projet, c'est un effort financier dont la justice a besoin. 

A nous de voir si nous sommes prêts à donner quelques euros de plus pour pouvoir mieux vivre avec les 67 065 détenus français et pour, qui sait, voir ce nombre diminuer au fil des années. 



Vous pouvez écouter, ci-dessus,  la rencontre avec Michel Mascaras et Etienne Herard, de l'association Prison Justice 44, pour l"émission "Les Temps Modernes"


prison / nantes / prison justice 44 / les temps modernes / société / détenus

Article réalisé par Valentin Guinel

Publication : Lundi 14 Avril 2014

Illustration : La prison, école du découragement social

Crédit photo : Luigi Caterino






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