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Cinéma : La saison des femmes

Est exploité dans ce drame la condition des femmes au sein de petits villages dans le nord de l’Inde, comme c’est le cas pour le Gujarat ou l'histoire s’inscrit.

Visuel La Saison des Femmes

Sorti en 2015, « La saison des femmes » est un film écrit et réalisé par la réalisatrice LeenaYadav. Est exploité dans ce drame la condition des femmes au sein de petits villages dans le nord de l’Inde, comme c’est le cas pour le Gujarat ou l’histoire s’inscrit. Le film oscille entre joie de l’émancipation et dure retour à la réalité pour des jeunes femmes en mal de liberté.

L’originalité du film tient à son scénario


Ainsi se déroule le fil de l’histoire : dans le nord-ouest de l’Inde, une communauté d’hommes et de femmes vit au rythme des normes patriarcales. Les hommes vaquent à leurs occupations et boivent beaucoup. Pour eux, l’être aimée tient dans une bouteille. Les femmes, elles, sont isolées et cherchent à prendre quelques moments de plaisirs dans un climat opprimant.

Dès le début, une promenade en bus ou le souffle du vent relève le foulard d’une indienne révèle aussi le côté rêveur de cette dernière. Si les hommes s’évadent avec de l’alcool, l’onirisme est très présent du côté des femmes.

Ici, trois amies s’inventent une autre société possible lors de virées. Celle du téléphone portable, de la télévision, du mariage consenti, de l’éducation et d’une indépendance. Si la trame de fond fait partie des sujets classiques (oppression des femmes, violence, désir d’émancipation, etc.), la forme l’est moins puisque le scénario apporte une touche plus romanesque que documentarisée.

Les origines cinématographiques de la réalisatrice peuvent expliquer plusieurs passages très légers dans le dialogue et une atmosphère digne des productions Bollywoodiennes. En effet, l’aspect très juvénile de films pour jeunes filles et le romantisme naïf sont présents du début à la fin et surprennent. En revanche, tout cela est contrebalancé par d’autres séquences beaucoup mieux orchestrées, plus sérieuses, et cela apporte quelque chose de neuf dans le cinéma !
Cette technique rompt le pathos et apporte beaucoup de dynamisme à un film qui aurait pu prendre une tournure beaucoup moins accessible et tragique s’il n’y avait pas ces nombreux traits de légèreté.

Rani, Lajjo et Bijli : un trio surprenant


Dans ces villages reculés et présentés dans ce film, la liberté n’a pas de prix puisqu’elle ne s’acquière pas. Sous le contrôle de leur mari, de leur chef de village ou de leur propre fils, les femmes font ce que l’on attend d’elle : faire à manger, effectuer les tâches ménagères et enfanter.

Le déroulement du film expose les nombreuses difficultés de s’affranchir, comme la possibilité d’avoir un emploi ou de lire. L’autre atout du film est celui de la personnalité de ses personnages, trois femmes complétement différentes où chacune d’elle va trouver chez l’autre ce qui lui manque.

Rani, interprétée par TannishthaChatterjee, est une veuve qui subit au quotidien un fils, Gulab, alcoolique et violent avec sa jeune épouse. Lajjo, interprétée par RadhikaApte, est sa plus fidèle amie. La première scène du film les montre dans un bus, Lajjo est plus délurée et aime rire sans se cacher et sans remettre constamment son voile comme le fait Rani. Lajjo arrive à rire, mais est pourtant battu au quotidien et n’arrive pas à enfanter d’un mari ivre et insultant. Le personnage force l’admiration en gardant son beau sourire. L’élément qui s’ajoute à ce trio est surprenant puisqu’il s’agit de Bijli, une danseuse prostituée très libérée interprétée par SurveenChawla. Cette femme très séduisante et provocatrice apportera beaucoup de frivolité à ces femmes frustrées et isolées.

Entre drame et comédie


L’appellation « drame » peut sembler surprenante tant on jongle régulièrement entre des moments de rires et des moments de violences. Au moment où l’on pense que la femme gagne un petit combat d’émancipation, elle replonge dans la minute suivante dans son quotidien voué à ne pas changer.

Cette production est donc particulière et nous bouscule (mais n’est-ce pas là le rôle du cinéma ?). D’une scène déchirante ou une femme supplie le chef de son village et ses parents de ne pas retourner vivre chez sa belle-famille ou elle se fait violer de tous, on passe à une scène où deux amies complices rient aux éclats en rêvant d’un bel homme les caressant.

Les esclaffes et le courage de ces femmes sont dans la continuité de ce film. Même blessées, elles gardent le moral et ne s’économisent pas sur les plaisanteries. À ce sujet, la cinéaste explique le rire de certaines indiennes ainsi :

               « Plus on est triste, plus on a besoin de rire, plus on a besoin de se sentir vivant ».

Un mélange de poussières et de couleurs


Le film est bien entendu destiné à défendre le droit des femmes. Ces trois actrices de fiction mettent en lumière la vie d’indiennes que LeenaYadav a pu rencontrer. Si la poussière a pris une grande place dans la maison de ces petits villages, à l’image des traditions ancestrales, la lumière donne un éclat particulier.

Si le scénario est parfois sombre, les couleurs sont vives et le visage de ces épouses et mères, si belles et gracieuses, rappellent qu’il y a un espoir lorsque l’on s’y met à plusieurs. Si un couple d’instituteur décide de quitter le village pour cause de maltraitance sur le maître progressiste et ouvert, les amies décideront, elles, de rester. Certes, elles n’ont pas le choix, mais c’est par de petites victoires qu’elles imposeront certaines revendications.
Il est même très surprenant, à la fin du film, de voir Rani laisser sa belle-fille, qu’elle s’était lourdement endettée pour avoir, retrouver le chemin d’un amoureux d’enfance.

Le besoin d’être touchée


Ce que l’on observe tout au long de ce film est le besoin chez les femmes, même voilées, même celles que l’on ne voit pas et que l’on doit deviner, d’être touchée. La plupart ne connaissent pas les vraies caresses et le sentiment d’amour profond envers un époux. C’est alors que le romantisme est plus exacerbé et les sensations physiques recherchées.
Des stratagèmes seront alors découverts et appréciés, comme celui de placer un portable en mode vibreur sous sa culotte ou d’entretenir des conversations téléphoniques excitantes avec un inconnu. La joie des protagonistes n’en sera que plus intense et nous donnera le sourire.

Une scène peut également marquer, celle de deux femmes, seins nues, se caressant délicatement avec de l’eau pour apaiser des blessures infligées à l’une d’elle. Une fois de plus, d’un début de scène difficile fait de plaies et de pleurs, deux amies respirent de plus en plus fort, explorant le désir physique.

Parcours de la réalisatrice LeenaYadav


Après avoir vu un tel film, on se demande si celle que nous ne connaissions pas jusqu’alors ne s’inscrit depuis longtemps dans la production de réalisations engagées. Ce n’est pas le cas. LeenaYadav est surtout connue pour la réalisation d’émissions de télévision. La cinéaste est plus célèbre en qualité de productrice et monteuse que de scénariste. « La saison des femmes » (de son vrai nom « Parched ») est son premier film international, récompensé au Festival international du film à Toronto.

Ses deux films précédents n’avaient pas cette envergure. C’est alors une lutte que cette femme de 45 ans a dû mener pour diffuser son film dans le pays, comme ce fut une lutte de le diriger sur place. Comme l’exprime LeenaYadav dans une interview pour Télérama : « Il est temps de montrer ce qui fâche. Il faut briser les barrières, comme mes actrices l’ont fait ».

Ce film est à voir non seulement du point de vu d’une réalisation éloignée de ce dont on a l’habitude de voir, mais par son caractère profondément humain et encourageant. Les choses, au-delà de changer, peuvent évoluer, et c’est ce que présente LeenaYadav.


Marie-Cécile Delahais




cinéma / chronique / inde / international

Article réalisé par Rédaction Prun'

Publication : Jeudi 30 Juin 2016

Illustration : Visuel La Saison des Femmes

Crédit photo : La Saison des Femmes le film






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