Carte Blanche à Clélia Berthier - De Francis Ponge à Morgane Tschiember
En lien avec son exposition "La gueule pleine de dents", Clélia Berthier met en relation une plasticienne et un écrivain qui l'ont inspirée.
"L’opportunité de cette carte blanche me permet d’introduire une relation entre une plasticienne et un écrivain qui ont nourri mes recherches plastiques.
En effet je vais évoquer Francis Ponge et notamment L’huître (voir texte ci-dessous) pour décrire les sculptures Bubbles (voir image d'illustration) de Morgane Tschiember.
Beaucoup d’entre nous on rencontré des proses de Francis Ponge au lycée.
Je pense notamment à son ouvrage Le parti pris des choses (1942) étudié pour ma part en 1ère.
Les descriptions d’objets du quotidien tel que Le cageot ou L’huître sont d’une précision saisissante.
Beaucoup d’entre nous on rencontré des proses de Francis Ponge au lycée.
Je pense notamment à son ouvrage Le parti pris des choses (1942) étudié pour ma part en 1ère.
Les descriptions d’objets du quotidien tel que Le cageot ou L’huître sont d’une précision saisissante.
Morgane Tschiember, plasticienne Brestoise diplômée de l’école des Beaux-Arts de Paris en 2001 propose des sculptures nommées Bubbles .
Nous sommes face à l’alliance d’un bois autoritaire et la fragilité d’une bulle de verre.
L’artiste nous transporte à la fois dans un univers très poétique, jouant sur l’affect tout en ayant une effectivité indéniable. Il y a un grand équilibre dans ses pièces.
L’artiste nous transporte à la fois dans un univers très poétique, jouant sur l’affect tout en ayant une effectivité indéniable. Il y a un grand équilibre dans ses pièces.
Elle revendique :
"[...] aucune théorie n’est imposée au spectateur ; nous sommes guidés par une donnée sensorielle, plastique, formelle."
Cette expérience sensible se produit lorsqu’elle amène des bulles de verre en fusion à se poser sur des structures géométriques en bois.
Le verre au contact de bûches de bois rectangulaires va témoigner de son impact en les colorant de noir par la puissante chaleur du verre en fusion.
Les bulles de verre quant à elles sont « brillamment blanchâtre » et s’étirent au gré des formes du bois."
C’est ici que je convoque Francis Ponge.
J’emprunte ces deux mots à la description qu’il fait de L’huître .
On peut voir une ressemblance entre la couleur que prend la sphère de verre et le nacre de ce mollusque.
Francis Ponge aime associer des termes dont les valeurs s’opposent a priori.
Les consonances en « âtre » sont souvent employées pour des termes dévalorisants nous dit-il.
Il s’insurge des connotations que l’on attribue aux mots et le fait qu’ils soient sexués.
Il en parle avec une grande générosité lors d’entretiens menés entre février et mars 1968 avec l’écrivain Philippe Sollers pour France Culture.
C’est par une association précise des mots que Ponge dénonce toute forme consensuelle du langage.
On peut alors comprendre qu’il réfute l’appellation de poète. Morgane Tschiember le rejoint par les formes qu’elle nous propose.
Elle s’affranchit de la technicité qu’impose le travail du verre soufflé. Elle m’expliquait d’ailleurs lors d’un entretien accordé dans son atelier à Aubervilliers avoir eu du mal à convaincre un artisan de souffler à même le bois.
Le verre au contact de bûches de bois rectangulaires va témoigner de son impact en les colorant de noir par la puissante chaleur du verre en fusion.
Les bulles de verre quant à elles sont « brillamment blanchâtre » et s’étirent au gré des formes du bois."
C’est ici que je convoque Francis Ponge.
J’emprunte ces deux mots à la description qu’il fait de L’huître .
On peut voir une ressemblance entre la couleur que prend la sphère de verre et le nacre de ce mollusque.
Francis Ponge aime associer des termes dont les valeurs s’opposent a priori.
Les consonances en « âtre » sont souvent employées pour des termes dévalorisants nous dit-il.
Il s’insurge des connotations que l’on attribue aux mots et le fait qu’ils soient sexués.
Il en parle avec une grande générosité lors d’entretiens menés entre février et mars 1968 avec l’écrivain Philippe Sollers pour France Culture.
C’est par une association précise des mots que Ponge dénonce toute forme consensuelle du langage.
On peut alors comprendre qu’il réfute l’appellation de poète. Morgane Tschiember le rejoint par les formes qu’elle nous propose.
Elle s’affranchit de la technicité qu’impose le travail du verre soufflé. Elle m’expliquait d’ailleurs lors d’un entretien accordé dans son atelier à Aubervilliers avoir eu du mal à convaincre un artisan de souffler à même le bois.
Tschiember et Ponge par le langage ou la sculpture décalent notre regard de tout ce qui nous apparaît comme conventionnel. Cette dernière cherche à perturber nos habitudes face à des matériaux qui nous sont communs, elle offre à nos yeux une nouvelle façon de les voir comme Francis Ponge peut nous proposer une nouvelle lecture de l’huître.
J’espère à travers ces quelques mots, vous donner l’envie de découvrir ou redécouvrir les œuvres de Morgane Tschiember et Francis Ponge."
J’espère à travers ces quelques mots, vous donner l’envie de découvrir ou redécouvrir les œuvres de Morgane Tschiember et Francis Ponge."
Texte de Francis Ponge :
«L’huître, de la grosseur d’un galet moyen, est d’une apparence plus rugueuse, d’une couleur moins unie, brillamment blanchâtre. C’est un monde opiniâtrement clos. Pourtant on peut l’ouvrir : il faut alors la tenir au creux d’un torchon, se servir d’un couteau ébréché et peu franc, s’y reprendre à plusieurs fois. Les doigts curieux s’y coupent, s’y cassent les ongles : c’est un travail grossier. Les coups qu’on lui porte marquent son enveloppe de ronds blancs, d’une sorte de halos. A l’intérieur l’on trouve tout un monde, à boire et à manger : sous un firmament (à proprement parler) de nacre, les cieux d’en dessus s’affaissent sur les cieux d’en dessous, pour ne plus former qu’une mare, un sachet visqueux et verdâtre, qui flue et reflue à l’odeur et à la vue, frangé d’une dentelle noirâtre sur les bords. Parfois très rare une formule perle à leur gosier de nacre, d’où l’on trouve aussitôt à s’orner.»
F. Ponge, Le Parti pris des choses, 1942.
[Réécoutez l'interview de Clélia Berthier dans le Curiocité du mardi 30 octobre : ici]
Article réalisé par Vie Etudiante
Publication : Mardi 30 Octobre 2018
Illustration : Bubbles