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Bande de filles, shine bright like diamonds

Après l'excellent "Tomboy", la réalisatrice Céline Sciamma revient avec un troisième film sensible, sur la quête identitaire d'une adolescente caméléon touchante. Et confirme son talent, une fois de plus.

Bandes de filles de Céline Sciamma

A Cannes, dans l'excellente section parallèle de "La Quinzaine des réalisateurs", la première projection de "Bande de filles", le très attendu troisième opus de la prometteuse Céline Sciamma, a su conquérir son public. 

Loin de la controverse inepte sur son merveilleux film "Tomboy" - l'histoire d'une petite fille qui, le temps d'un été, se fait passer pour un garçon, qui a fait monter au créneau les catholiques extrémistes de tous poils, détracteurs incultes de l'intéressante théorie du gender, qui  souhaitaient le voir retirer de la liste du dispositif école et cinéma - la réalisatrice revient avec une perle féminine délicate. Dans la  discussion avec le public à la fin de ce film applaudi, la jeune réalisatrice nous explique la genèse du film, en murmurant dans un souffle, "Le désir, c'est elles". Elles, comprenez ces jeunes filles croisées au coin des rues ou des rayonnages des magasins de fringues, verbe haut et verve gouailleuse. De ces rencontres d'un jour, est né le désir de porter à l'écran un groupe de filles. Si "Bande de filles" est un film sur les filles, ce n'est pas un film seulement pour les filles. 

Une quête identitaire pleine d'authenticité

Merieme a 16 ans. Dans sa banlieue parisienne, elle se cherche, se cogne, se construit. Elle refuse ce qu'on décide pour elle. Un CAP dont elle ne veut pas, une soumission servile aux règles des hommes, qui la fait bouillir, qu'elle encaisse, puis récuse.  Elle croise alors un trio explosif, qui assume sa féminité, et mord dans la vie sans se questionner sur le lendemain. A leurs côtés, elle devient Vic, devient femme, et se durçit, pour apprendre à survivre. 
Si Céline Sciamma revendique le fait de ne pas vouloir faire un film social, ni un film de banlieue, elle reconnait tout de même qu'il effleure les codes du genre, tout en évitant brillamment les écueils. La quête identitaire de Merieme est surprenante d'authenticité et de dureté. La scène d'ouverture donne le ton,  exceptionnelle, prenante, unique. 
Par la suite, les changements capillaires et vestimentaires de la jeune fille illustrent la difficulté constante à se mouvoir et trouver sa place dans un monde dominé par les hommes. De son tyran de grand frère dominateur, elle ne gagne les respect qu'en se battant à mains nues avec une fille qu'elle humilie. Étonnante scène où le jeune homme daigne alors partager avec sa soeur une partie de jeux vidéo. Quand Merieme redevient femme, il la rejette à nouveau, violemment. Pour exister dans un monde viriliste, les jeunes femmes se noient parfois dans la gestuelle des hommes, calquant leurs comportements sur les leurs, développant une adaptabilité circonstancielle hors norme. Puis, comme un étouffement, elles modifient leurs oripeaux, cessent de se grimer, pour laisser exploser leur féminité. 

Céline Sciamma nous offre un instant d'anthologie du cinéma

Cette illustration d'un ostracisme masculin qu'elles refusent, ce côté femme assumé, revendiqué, ce lien sororal qui les unit, est mis en exergue dans une de ces scènes sublimes de cinéma, de ces pépites de quelques minutes qui vous restent gravées sur la rétine. Lady, leader de la bande, chante et danse sur la chanson "Diamonds" de Rihanna, avant d'être rejointe par ses camarades. L'intensité du regard de Merieme lorsqu'elle les regarde vaut tous les mots du monde. Céline Sciamma fait de cette chanson pop sucrée un instant d'anthologie cinématographique, rendu magique par le brio naturel des comédiennes, qui n'avaient jusqu'alors jamais joué. 
Merieme tâtonne. si elle ne sait pas exactement ce qu'elle veut, elle sait ce qu'elle ne veut pas. Un diplôme qui ne la tente pas, un mariage facile et fragile. Cette force de caractère fait d'elle une héroïne hors norme, de tous les plans. La réalisatrice la suit dans sa quête de liberté, avec une tendresse captivante. A travers le groupe, l'adolescente s'émancipe, trouve une famille qui la transcende, un sens, un absolu. 
Si son héroïne est de tous les plans, la réalisatrice nous démontre la force du groupe ou des démons intérieurs, par des cadrages rapprochés, des gros plans sur la beauté des visages. Quand elle se décide, rarement, à s'éloigner d'elles, on sent que c'est à contrecœur, pour tout à coup nous dévoiler leur environnement, l'immensité désœuvrée de la cité, du bitume et des grands ensembles. Très vite, elle se rapproche à nouveau d'elles, elle ne cherche qu'elles, leur souffle, leur rage adolescente, leur désir de bonheur.

Un éloge vibrant à la femme 

Dans la troisième partie du film, la cinéaste s'égare un peu, frôlant les clichés qu'elle avait auparavant su éviter, mais cela lui est pardonné, par son insistance à suivre pas à pas Merieme, formidable Karidja Touré, dont la présence illumine l'écran. Mais le dernier plan du film est à hauteur du premier, comme une force retrouvée, tant pour l'héroïne que pour la réalisatrice. 
Nous sommes gré à Céline Sciamma d'avoir réalisé  un aussi beau film féminin, un éloge aussi vibrant à la femme, qui plus est noire, ce qui est rare au cinéma. Son talent sert admirablement des trouvailles de casting à suivre, et une écriture de scénario intelligente, ce qui devient chose rare. A travers elle, et d'autres (Rebecca Zlotowski, Justine Triet, Marianne Tardieu...),  émerge enfin, de plus en plus fortement, le renouveau du cinéma français chromosome XX, une génération Girl Power subtile et drôle, qui derrière des films sincères, laissent percer de vrais questionnements sociétaux,
A ne pas rater : "Bande de filles", de Céline Sciamma, sortie prévue en Octobre 2014, 1h52 ; et à voir en DVD "Tomboy". 


festival de cannes / cannes 2014 / bande de filles / céline sciamma

Article réalisé par Elsa Gambin

Publication : Mardi 20 Mai 2014

Illustration : Bandes de filles de Céline Sciamma

Crédit photo : Bandes de filles film






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