Antiteatre ou l'archéologie de la violence
Fin novembre, le metteur en scène Gwenaël Morin présentait Antiteatre au TU. Un diptyque qui mêle intime et politique, qui revient sur les rapports de force dans notre société.
"La tétralogie Antiteatre n'est pas la vitrine d'un concept ou d'un modèle artistique que je souhaite mettre en avant. C'est un chaos, un excès. Ce n'est pas de l'antithéâtre. Plutôt une suraffirmation du théâtre", Gwenaël Morin.
C’est avec le diptyque « Anarchie en Bavière » et « Liberté à Brême » qu’a débuté ce week-end à l’effigie de Fassbinder, les 28, 29 et 30 novembre dernier au Théâtre Universitaire, TU, à Nantes.
Des utopies qui tournent mal
Chacun des textes de Fassbinder que Gwenaël Morin a mis en scène racontent « des utopies qui tournent mal », des histoires de vie, de mort, de désir et de haine, de rire ou de désespoir, servies par des comédiens jouant tantôt les victimes, tantôt les bourreaux, ne cessant d’échanger leurs rôles.
C’est l’intime et le politique qui s’entremêlent dangereusement, ce sont les rapports de force, les rapports de classe que Fassbinder dénonce avec une sévère lucidité.
Dans "Anarchie en Bavière", la politique s’infiltre dans la vie familiale et sème le désordre : les individus refusent de vivre sans règle.
"Liberté à Brème" met en scène le personnage de Geesche, ou celui d’une femme qui choisit d’empoisonner un à un chaque personnage qui l’enferme dans un statut social qu’elle désapprouve : celui de la femme à qui on refuse une identité propre.
Une scène et des comédiens mis à nus
Pas de décor, pas de costume, pas beaucoup de répétitions. Les comédiens sont à nus, le texte aussi. En effet, ce sont les mots qui sont mis en valeur, notamment par le biais d’une comédienne qui se charge d’annoncer chaque didascalie.
En nous donnant à entendre ce que seul le lecteur est censé lire, elle maintient ainsi le public dans cette mise à distance nécessaire, tant la violence des propos est rude. Chaque changement de scène est marqué par un coup de tambour : le rythme est saccadé, le théâtre se créé à vif, à nu.
Mais ce procédé est à double tranchant, très proche du texte, très proche des comédiens sans costume, du plateau sans coulisses, on reste malgré tout trop loin. Il est difficile d’entrer dans le monde qui nous est donné à voir.
Parce que le théâtre devrait arriver à nous transporter, ici, c’est le prosaïsme et la violence des propos qui nous maintient à terre et nous empêche de nous évader. Il nous manque cette petite étincelle théâtrale qui sait si bien nous faire oublier où nous sommes, avec qui, pour combien de temps. Il manquait si peu mais c'est déjà beaucoup...
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Article réalisé par Marine Lalys
Publication : Mercredi 11 DéCembre 2013
Illustration : Antiteatre de Gwenaël Morin
Crédit photo : Antiteatre de Gwenaël Morin