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¯\_(ツ)_/¯

50 nuances de…euh…quoi ?

Bella meets Largo Winch in Tony Stark’s apartment, with une chambre rouge digne d’un lupanar vintage. Et après ? Après, pas grand-chose, justement.

50 nuances de Grey - juste pour jouer

Pour éviter les fessées verbales de mes concitoyens (« Raaaah mais tu juges alors que tu l’as même pas vu !! »), j’ai donc décidé, de mon plein gré je précise (mon côté masocinéphile sans doute), de gonfler le chiffre des entrées de LA sortie du moment, l’adaptation cinématographique du best-seller mondial érotico-romantique de E.L James, « 50 nuances de Grey »

De gentils héros...

 Avant d’assister aux ébats (osez battre ?) de nos deux tourtereaux hollywoodiens à l’impeccable nudité, il m’a fallu supporter, pendant le quart d’heure publicitaire, au comble de l’agacement dans une salle où les jeunes filles avaient la moitié de mon âge, la promotion des sites « Adam et Eve.fr » et « Meetic », puis la courte lecture d’un(e) quelconque roman(ce) impudique, avant d’apercevoir, subrepticement, au bout de 40 minutes de film, la pilosité proprette du beau mélomane.

 Grey, c’est donc Christian Grey (prononcé « Chwichtiâne »), jeune milliardaire à peine trentenaire, élégant, enfant adopté (tiens, tiens…), réussite sociale fulgurante, adepte de grosses cylindrées et de martinets en cuir, qui tombe sous le charme de l’étudiante vierge (non mais, sérieusement ?) Anastasia Steele, clone de l’héroïne de Twilight, joliesse évidente et caractère bien trempé derrière des atours hasardeux, incarnation de la fleur bleue. Le premier va  déflorer la seconde pour la mener cul nu à l’orée d’une contrée inconnue, les pratiques BDSM (même si vous connaissez sans aucun doute ce terme, je ne rentre pas ici dans les détails, simplement pour le plaisir de vous laisser naviguer sur Google, ce que vous ferez, rien qu’en lisant l’alléchant acronyme…), non sans contractualiser (si, si) au préalable leurs futures galipettes. L’ingénue (nuche ?) Anastasia va quant à elle faire traîner la signature dudit contrat, entre deux mordillements de lèvres, négociant au passage l’abandon de tel alinéa incluant le fisting ou l’adhésif (le passage fait sourire, c’est déjà ça), avant de succomber au plaisir les mains entravées par une cravate en soie. La jouissance sexuelle tient donc à peu de choses. 

Le public adolescent de la salle, lui, ne s'y trompe pas, et pouffe de rire à chaque mignonne fessée. Les rares hommes seuls de la salle ne jouent pas du poignet, l'un sort même en pleine séance. (Eh oh, moins de 12 ans, tu t'attendais à quoi ?)

Sans tomber dans l’écueil de faire de Grey un personnage sado-macho-iste, la réalisatrice britannique Sam Taylor-Johnson réussit tout de même le pari de charmants personnages au service d’une bluette acceptable (si on a moins de 15 ans). Ces deux acteurs, Dakota Johnson (fille de Don Johnson et Mélanie Griffith, donc petite-fille de Tippi Hedren, muse d’Alfred Hitchcock) et Jamie Dornan (aperçu dans le Marie-Antoinette de Sofia Coppola) tirent même plutôt bien leurs cravaches du jeu, tout menottés qu’ils sont par un scénario sexuellement insipide. Lui, correct en homme torturé à la personnalité trouble, elle, sympathique en midinette qui, on le devine, va s’affirmer de plus en plus. L’acceptation de la submissive  Anastasia n’est donc que le moyen pour elle à terme d'inverser les rôles…et le remettre dans le droit chemin ? Le mâle dominant finira-t-il par abandonner ses douteuses pratiques pour se plier à la « normalité » doucereuse de sa belle (roulement de tambours) ? Parce que quand même, le SM, c'est mal...


 ...so boring


Sauf que nous sommes venus là pour ça, justement. Et  c’est alors que le bât blesse, car les scènes de sexes tant attendues laissent le spectateur sur sa faim, tel un libertin surexcité contraint à l’onanisme dans une foule exagérément orgiaque. 

Pas un pénis à l’horizon (j’ai failli écrire « à se mettre sous la dent »), pas un mascara qui coule sous l’oxymore agenouillée d’une contrainte consentante, pas de sueur brillante dégoulinante après d’ardents ébats, pas d’essoufflement témoignant d’une intense et charnelle bestialité, pas de corps qui s’entrechoquent, se cherchent, se cognent, se violentent avidement, pas un bout de corps rougi ou tuméfié, pas de mots violents ou dégradants. Le sexe est propre, dépourvu de poils, de sécrétions, de poses désavantageuses, Dépossédé de chaleur, de vibration, d'inconfort, d'imprévu. Et même lorsque l’arrogant Christian ose dire qu’il « baise » plutôt qu’il ne fait l’amour, il nous prouve le contraire peu après. Rien ici ne laisse deviner la réalité des pratiques SM. Elle, accepte uniquement par amour, lui, semble souffrir de lui faire mal.  Exit la notion du plaisir dans la douleur, de la sexualité-objet consentie, du désir mutuel de s'adonner à la pratique, du jeu en tant que tel. Au pays du SM, on s’aime. Soit. Oublions le côté hard tant promis. 

 Mais rien non plus ne prête à la moindre excitation. Pas le moindre frémissement de la moindre zone érogène sur mon siège. Rien. Je l’ai déjà dit sur ce même site, mais Albator m’excitait davantage. On s’ennuie un peu, on se surprend à attendre les étreintes survendues…et on laisse éclater un soupir de déception.  Il est choupinou, ce petit couple. Mais pas bandant.  Et à peine aperçoit t-on l’ombre d’une toison pubienne que l’ellipse nous l'ôte, pour nous offrir en sobre pâture les (jolies) fesses de nos protagonistes. Deux étreintes, trois frottements, une punition, un bain, le tout dans un décor aseptisé, tout de marbre glacial, presque clinique, qui ne donnerait même pas envie à Katsuni de se désaper. 

En lieu et place de cette prometteuse promesse de jeux sexuels hyper-osés (le sont-ils vraiment en 2015 ?), l’auteure nous sert une explication psychanalytico-transparente, suintante de facilité, pour expliquer la « déviance » du beau Christian. Cette propension explicative est justement le point noir du film. Pourquoi faut-il que la sexualité du jeune homme soit forcément la résultante d’une enfance difficile et d’une rencontre initiatrice « anormale » ? Les pratiques paraphiliques du milliardaire ne peuvent-elles pas simplement être affaire de goût ? L’Amérique puritaine, qui abrite pourtant à San Francisco les plus grands studios de tournage porno BDSM (Armory Studios, lieu-dit de la puissante société Kink) a-t-elle besoin de noyer le déjà peu d’érotisme de l’affaire dans un didactisme de comptoir ?  

Bref, si vous voulez voir Fifty shades of Grey pour le cul, allez donc le poser ailleurs. La cambrure sensuelle de Julia Roberts sur un piano à queue, les fantasmes débridés et alors subversifs d’Emmanuelle, La sodomie beurrée de Marlon Brando, la lascivité hypnotique d’Eva Mendes et la main de Joaquin Phoenix se glissant dans son entrejambe, l’érotico-trash de Lars Von Trier, le baiser homosexuel torride de Mulholland drive, la tension sexuelle de Match Point, le duo torride Kidman-Cruise, la liste est longue, et vaut bien mieux que la fessée déculottée mollassonne post-traumatique d’un dandy, aussi gentiment sexy soit-il.

 Il est à parier que le Marquis de Sade, tout comme nous, aurait apprécié un peu plus de fou…pardon, de folie. 

A voir, si  vraiment vous avez du temps, "5O nuances de Grey" '(50 shades of Grey), au moins en VO au Gaumont.





cinéma / 50 nuances de grey

Article réalisé par Elsa Gambin

Publication : Mercredi 18 FéVrier 2015

Illustration : 50 nuances de Grey - juste pour jouer

Crédit photo : BL






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